Dans son rapport annuel 2024, la Cour des comptes a dressé un constat alarmant sur le système éducatif. Dysfonctionnements généralisés, méthodes pédagogiques inadéquates, infrastructures insuffisantes, autant de failles qui dévoilent les nombreux défis auxquels ce secteur est confronté.
Parmi les problèmes identifiés, le non-respect du calendrier scolaire constitue un obstacle majeur, alors que le cadre théorique prévoit 32 semaines d’enseignement par an, ce volume n’est que rarement atteint en pratique. Cela s’explique par des interruptions fréquentes causées par divers facteurs, tels que les grèves et l’absence de continuité dans la gestion du temps scolaire. En comparaison, les systèmes éducatifs des pays voisins garantissent entre 36 et 38 semaines d’enseignement annuelles, plaçant ainsi l’Algérie parmi les systèmes les moins performants.
Ce déficit de temps d’enseignement se reflète dans la qualité des apprentissages, les résultats des élèves en mathématiques, par exemple, sont affectés par une insuffisance dans le nombre d’heures dédiées à cette matière. En Algérie, les élèves du primaire suivent 750 heures annuelles en mathématiques, contre 960 heures en Tunisie et 900 heures en France. Cette différence de 180 à 240 heures compromet la maîtrise de cette discipline fondamentale, selon le même rapport.
Les incohérences relevées dans les programmes scolaires et les manuels reflètent une inadéquation entre les contenus enseignés et les besoins réels des élèves. Les évaluations réalisées par le Conseil des comptes mettent en évidence une approche pédagogique centrée sur la mémorisation, et le « bourrage » de contenus, au détriment de l’acquisition des compétences analytiques et pratiques nécessaires pour résoudre des problèmes complexes.
Des méthodes pédagogiques obsolètes
Le rapport met également en évidence les lacunes dans les apprentissages linguistiques, bien que les élèves soient capables de lire et de comprendre des textes simples, la majorité d’entre eux échoue à produire des écrits structurés en arabe et en français. Cette incapacité à s’exprimer par écrit constitue un frein majeur, notamment dans l’apprentissage d’autres matières où la langue est un vecteur essentiel de compréhension. Cette faiblesse est d’autant plus préoccupante que l’arabe, en tant que langue principale d’enseignement, devrait être maîtrisée pour garantir une assimilation efficace des autres disciplines, y compris les langues étrangères.
Il a également été relevé que le déficit en enseignants qualifiés, notamment dans l’apprentissage des langues étrangères, aggrave encore les problèmes. En primaire, un enseignant de français est parfois responsable de 90 élèves, un ratio bien au-dessus des normes internationales. Dans les niveaux moyens, un enseignant de français ou d’anglais doit gérer entre 72 et 75 élèves. Pour atteindre un niveau acceptable, le ministère de l’Éducation devrait doubler le nombre d’enseignants actuellement en poste.
Le retard dans la généralisation de l’éducation préscolaire a été également pointé du doigt dans le rapport. En 2021, seulement 59% des enfants étaient inscrits dans des structures publiques de maternelle, bien en deçà de l’objectif de 100% fixé pour 2018. Ce retard a eu des répercussions importantes sur l’équité des chances à l’entrée en primaire. Les élèves, ayant suivi un parcours préscolaire, disposent d’un avantage significatif en termes de préparation, tandis que ceux qui n’y ont pas eu accès débutent leur scolarité avec un handicap, ce décalage contribue à l’émergence d’une « école à deux vitesses », exacerbant les inégalités au sein du système éducatif.
Le fléau des cours particuliers
Par ailleurs, la montée en puissance des cours particuliers illustre les insuffisances du système éducatif public. Une enquête universitaire, citée par la cour, révèle que 74,5% des élèves de cinquième année suivent des cours de soutien en français, tandis que 64,6% reçoivent des cours en arabe, et 57,2% en mathématiques. Cette prolifération des cours privés, motivée par des lacunes dans l’enseignement public et la pression sociale pour obtenir de meilleurs résultats, constitue une charge financière importante pour les familles et creuse davantage les inégalités.
En outre, l’état des infrastructures scolaires est également préoccupant. Selon le rapport, parmi 304 écoles inspectées, une majorité accuse des manques criants. Ainsi 267 établissements sont dépourvus de salles informatiques, 283 n’ont pas de bibliothèque, 177 manquent d’installations sportives et 81 sont dépourvues de cantine scolaire. Cette situation s’explique par un sous-financement chronique et une mauvaise allocation des ressources. Le manque de structures adéquates empêche les élèves de bénéficier d’un cadre d’apprentissage favorable, réduisant ainsi leurs chances de réussite scolaire.
Face à ces constats, la Cour des comptes appelle à une réforme en profondeur du système éducatif algérien, parmi ses recommandations, elle affirme qu’il est impératif d’allouer davantage de ressources financières pour moderniser les infrastructures scolaires, de revoir les programmes pédagogiques pour mieux répondre aux besoins des élèves, et d’investir massivement dans la formation des enseignants.
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