A l’occasion du 27e Salon international du livre d’Alger (SILA), des historiens ont dénoncé l’omerta qui entoure les crimes coloniaux commis par la France en Algérie. Ils ont appelé à une réécriture de l’histoire nationale, libérée des préjugés coloniaux, soulignant l’urgence de collecter les témoignages des survivants et de dévoiler les violences, souvent occultées.

Lors de la conférence sur « Les historiens et la révélation des crimes coloniaux », organisée ce vendredi en fin de journée, les intervenants ont argumenté que le colonialisme n’a été qu’un moyen de destruction et de massacres, comme en témoigne la documentation sur les horreurs telles que le massacre du Dhahra et les tortures brutales entre 1954 et 1962.

L’historienne Malika Rahal a appelé à mettre fin à ce qu’elle considère comme une « perte de temps » : interroger les discours politiques français sur la guerre d’indépendance. Pour elle, ces déclarations, souvent influencées par des enjeux électoraux ou médiatiques, ne remettent en rien en cause la vision coloniale dominante en France. Dans ses recherches sur les disparus de la bataille d’Alger, Malika Rahal s’est principalement appuyée sur des témoignages de soldats français, tout en soulignant la difficulté de reconstituer la vérité historique, étant donné la réticence des sources coloniales à reconnaître les violences perpétrées pendant cette période.

Elle a également évoqué son travail avec le chercheur français Fabrice Riceputi pour recréer les archives des familles des disparus de la bataille d’Alger. Grâce à des documents dans lesquels ces familles sollicitaient les autorités françaises, l’équipe a lancé un site internet recueillant des témoignages, qui ont servi de base à son livre l’Algérie 1962 : une histoire populaire. Ces récits ont permis de peindre un tableau de la vie quotidienne des Algériens à Alger durant cette époque.

L’intervenante a souligné l’importance de collecter des témoignages auprès des survivants des massacres commis durant la colonisation française pour contribuer à l’écriture de l’histoire de l’Algérie. Spécialiste de l’histoire de l’Algérie, Malika Rahal a affirmé que ces récits, qu’ils proviennent des moudjahidine, de leurs proches ou d’autres témoins des violences, représentent un matériau essentiel pour comprendre les événements tragiques de cette période.

L’auteure a insisté sur le fait que ces témoignages constituent des « preuves d’histoire indéniables ». Ils permettent d’éclairer des événements comme les disparitions forcées, particulièrement durant la bataille d’Alger, un outil mis en œuvre par les autorités coloniales françaises pour briser la résistance. Selon elle, il est urgent de mener des enquêtes approfondies afin de recueillir ces récits, soulignant le manque de données précises sur l’ampleur des crimes commis pendant la colonisation, notamment les tortures, les déportations et les enlèvements.

De son côté, Hosni Kitouni, historien et spécialiste de l’histoire de la guerre de libération, a mis en garde contre les limites d’une lecture strictement juridique de l’histoire, souvent marquée par le terme « génocide ». Il a affirmé que les demandes répétées d’excuses à la France resteront sans effet si les historiens algériens continuent de dépendre des archives détenues par l’ancienne puissance coloniale. Il a incité à explorer des perspectives venant d’autres pays, tels que le Royaume-Uni ou les Etats-Unis, où l’histoire de l’Algérie est abordée sans préjugés coloniaux.

Kitouni a abondé dans ce sens, estimant qu’il existe de « multiples histoires individuelles à raconter sur les différentes formes de violence subies par les civils ». Selon lui, « il est indispensable de documenter les déportations d’enfants, les viols, les exécutions sommaires, mais aussi les privations de terre et les destructions de villages ».

« Outre les massacres perpétrés contre les civils et les militants de la cause nationale, l’armée coloniale a commis de nombreuses autres formes de violence, y compris les viols, les déportations, le transport forcé d’enfants à l’étranger et les spoliations foncières », a précisé M. Kitouni. Ces violences, souvent ignorées ou minimisées dans les récits traditionnels de la colonisation, doivent être racontées pour comprendre l’ampleur de la répression coloniale et les souffrances infligées à la population algérienne.

 

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