Exemple pour les générations qui se succèdent, cette fille du quartier "Kabel Ammouri" (commune actuelle d’El Ma Labiodh, à l’est de Tébessa), a été martyrisée en défendant son honneur et en s’abstenant, malgré un supplice qui dura 8 jours entiers, de divulguer la moindre information sur les Moudjahidine.
Debout, le menton haut, altière, Mehania a légué pour la postérité une image incroyable restée gravée dans les mémoires et dans les annales de l'histoire de la glorieuse Révolution.
Selon le témoignage de son frère Chafaï (un témoignage conservé au musée du Moudjahid Mahmoud-Guennez de Tébessa), la jeune Mehania, née en 1940, vivait dans une humble demeure avec sa mère, Dziria, son père, Salah, et ses cinq frères et sœurs.
La maison familiale servait de refuge aux Moudjahidine qui venaient aussi s’y approvisionner en vivres et en armes, le père de la jeune fille étant, à cette époque, chargé de collecter les contributions destinées à la lutte armée (provisions, armes, fonds et autres) dans la région d’El Ma Labiodh.
Les déclarations de Chafaï, dûment consignées et préservées, indiquent que le commandant du centre d'interrogatoire et de torture d’El Ma Labiodh, l'officier français Weiss de sinistre mémoire, avait, à cette époque, renforcé le contrôle de la zone et mis en garde le père contre toute collusion avec ce qu’il appelait les "fellaghas", l’invitant même à quitter la dechra pour vivre à El Ma Labiodh en échange d’une pension de vieillesse et d’une permission à ses enfants d'étudier dans les écoles françaises.
Un jour de novembre 1957, Weiss, ayant eu vent du fait que des Moudjahidine fréquentaient la maison de Salah, ordonna un ratissage de la région au moyen de trois hélicoptères et de dizaines de soldats. Il fit passer au peigne fin toutes les maisons du voisinage, se réservant la demeure de Salah dont il entreprit personnellement la fouille.
L'officier avait ensuite enfermé le père de Mehania dans un réduit creusé dans le sol et recouvert d’une lourde trappe, avant de retourner à la maison où il trouva plusieurs femmes parmi lesquelles il "sélectionna" Mehania, alors âgée de 17 ans, pour l'interroger sur les Moudjahidine. Il essaya de la tirer par la main, mais sa belle-sœur Zineb s’y était opposée de toutes ses forces et l’en empêcha, conduisant Weiss (qui désespérait d’être en tête-à-tête avec Mehania) à asséner un violent coup de pied à Zineb.
Révoltée par le geste brutal de l’officier, la jeune Mehania se saisit d’un manche de pilon en cuivre (R’zam) et frappa Weiss qui s’affala sur le sol, ensanglanté et inconscient, ce dont profitèrent les autres femmes pour le rouer de coups avant de le laisser pour mort.
Toutefois, l’officier français reprit connaissance et commença à donner de stridents coups de sifflet pour donner l’alerte et appeler à l’aide. Vexé et se considérant sans doute humilié, il choisit la malheureuse Mehania et sa cousine Aïcha qu’il a emmenées à El Ma Labiodh pour les interroger et donner libre cours à ses instincts de tortionnaire.
Les deux femmes, avait rapporté Chafaï (le frère de la Martyre), avaient été soumises, 8 jours durant, aux pires atrocités par les soldats qui ne se privèrent d’abuser d’elles. Au 9ème jour, les deux femmes furent emmenées dans le lit d’un oued, à l'abri des regards, où elles furent traînées sans ménagement, les chevilles entravées et les poignets attachés derrière par du fil de fer barbelé.
Elles furent ensuite égorgées, d’une oreille à l’autre, avant que les soldats ne s’acharnent sur la jeune Mehania dont l’abdomen fut transpercé de coups de couteau jusqu’à ce que son foie jaillisse de son corps.
Les masures de la dechra furent incendiées et les pires représailles s’abattirent sur toutes celles et tous ceux portaient le nom de Bendjedda, a rapporté Chafaï dans son témoignage.
A l’avènement de l’indépendance, les dépouilles des deux Martyres, sommairement enterrées dans le lit de l’oued où elles avaient subi les plus abominables sévices, ont été réinhumées au cimetière des Chouhada du lieu-dit Zakik, sur le territoire de la commune d’Ogla Melha. Une statue de l’héroïne Mehania Bendjedda a été érigée au musée du Moudjahid, à Alger, et le plus vieil hôpital de la wilaya de Tébessa a été baptisé de son nom.
Cette martyre, ainsi que des dizaines d’autres dans la wilaya de Tébessa, dont Zerfaoui Fatima bent Ali, Khadija Hamida, épouse Bouregaâ, Bouziane Khadidja bent Abdelhafid, Brik Ghazala bent Soltane, et d'autres encore et encore, demeurent un symbole de courage et de résilience face aux atrocités coloniales.