Après son approbation par la commission de la justice, le 5 juin 2024 et son adoption par l’Institution parlementaire en deuxième lecture, la loi n°43.22 relative aux peines alternatives est entrée en vigueur à la suite de sa publication dans le Bulletin officiel n° 7328 en date du 22 août 2024.
Le processus de mise en œuvre de ce texte de loi, par ailleurs ambitieux et moderniste, se heurte en toute évidence à de grands défis liés aux moyens logistiques, aux ressources humaines et dispositions techniques et matérielles de même qu’aux délais impartis pour sa finalisation.
Les fruits parviendront-ils à passer la promesse des fleurs ?
Dans les dispositions de cette loi, les peines alternatives sont définies comme « les sanctions qui remplacent les peines privatives de liberté dans les délits dont le jugement prononcé ne dépasse pas cinq ans de prison ferme ». Elles précisent tout de même que les crimes concernés ne doivent pas être liés à la sécurité de l’Etat, au terrorisme, au détournement de fonds, à la concussion, à la corruption, à l’abus de pouvoir, au blanchiment d’argent, aux crimes militaires, au trafic de drogue et de substances psychotropes, au trafic d’organes humains et à l’exploitation sexuelle de mineurs ou de personnes en situation de handicap.
Par ailleurs, en vertu de l’article 35.5 de ce texte, le tribunal peut prononcer une sanction d’accomplissement d’un travail d’intérêt général comme une forme de peine alternative lorsque la personne concernée par la condamnation est âgée de 15 ans au moins lors de son jugement. Ce travail d’intérêt général ne peut pas être rémunéré et la durée de son exercice peut varier de 40 à 3600 heures et doit être dédié aux services de l’Etat, aux collectivités locales, aux institutions, instances ou organismes de protection des droits et libertés, aux établissements publics, à la bonne gouvernance, aux établissements publics, aux organisations caritatives, aux lieux de culte…
Dans un contexte de surpopulation préoccupante et inquiétante des établissements pénitentiaires, la publication au Bulletin officiel de ce texte de loi ambitieux et prometteur, marquant un tournant décisif dans les chantiers de réforme et de révision des secteurs clés de la société, se trouve confrontée au défi considérable de sa mise en œuvre dans les délais impartis et encadrés par la loi.
En effet, les dispositions de la loi n°43.22 relative aux peines alternatives en fixent clairement la forme et le cadre. Ainsi, l’entrée en vigueur en est conditionnée par la publication de tous les textes réglementaires adjacents, et ce dans un délai maximal d’une année. C’est une urgence qui a justifié la tenue d’une réunion le 20 novembre 2024, sous la présidence du chef du gouvernement, qui a rassemblé tous les acteurs concernés, à savoir le ministre de la Justice, le délégué général à l’Administration pénitentiaire et à la réinsertion de même que le directeur général de la Caisse de dépôt et de gestion.
En outre, un comité de pilotage et des commissions thématiques ont été mis en place avec pour mission première d’élaborer les décrets d’application dans, au maximum, un délai de cinq mois.
En effet, à titre d’exemple, l’article 647.13 de la loi n°43.22 relative aux peins alternatives met l’accent sur l’impératif de définir par voie réglementaire les modalités de gestion du bracelet électronique, dont bien entendu le volet financier. D’ailleurs cette grande innovation technologique, présentée comme une pierre angulaire de l’ensemble du dispositif, exige une organisation délicate et méticuleuse. D’ailleurs, à cet égard, le ministre de la Justice affirme que « cette approche constitue une solution efficace pour désengorger nos prisons»…
D’autre part, il convient de noter que la loi en question consacre une attention toute particulière aux mineurs, notamment dans le contexte des différentes manifestations sportives. Toutefois, cette approche qui tend, tant bien que mal, à être équilibrée, exclut de son champ d’application les auteurs des crimes graves et les récidivistes. Là-dessus, les peines alternatives prévues dans ce nouveau texte de loi incluent des travaux d’intérêt général non rémunérés, des restrictions de droits bien ciblées et des amendes journalières fixées entre 100 et 2000 dirhams.
La mise en œuvre et la réussite de cette réforme prometteuse et opportune requièrent, en tout état de cause, une large mobilisation juridique, réglementaire et politique d’importantes ressources humaines et financières qui n’admet aucune tergiversation ou titubement. C’est dans ce sens que les exigences en matière de gouvernance, de gestion et de financement ont bien été au centre de discussions gouvernementales. Le cadre conventionnel entre d’une part la CDG et de l’autre l’Administration pénitentiaire est seul à même de formuler avec moult précisions les modalités du soutien logistique et pratique requis. Cette approche, si elle vient à se concrétiser loin de toutes les interférences politiques ou politiciennes, marquera, à coup sûr, une renonciation définitive à l’approche positive en se focalisant sur une nouvelle conception consacrant un certain équilibre entre réinsertion et sanction.
Les objectifs de célérité, de modernisation et de redressement des torts conjugués au désengorgement des établissements pénitentiaires comptant une population carcérale de plus de 102.000 prisonniers pour seulement quelque 70.000 places, outre la réinsertion dans la société et la réintégration dans les tissus économique et social ne peuvent être atteints sans la mobilisation de ressources humaines suffisantes et surtout compétentes et financières à même de les concrétiser pérennement.
A ce propos, l’analyste universitaire Mustapha Shimi écrit que « cela permet de s’aligner sur les recommandations des conventions internationales, et partant de faire évoluer l’état d’esprit d’une société attachée à l’enfermement carcéral comme réponse et traitement « légitimes » du crime… Un enjeu de société au cœur des droits humaines…
Rachid Meftah