Le président brésilien Lula, en soins intensifs après une opération d'urgence, affronte à 79 ans une nouvelle épreuve au soir d'une vie qui l'a vu sortir de la pauvreté pour gouverner le plus grand pays d'Amérique latine.
Luiz Inacio Lula da Silva a connu la faim, la prison, l'amputation d'un doigt quand il était ouvrier, et par trois fois le pouvoir suprême, au cours d'une trajectoire trépidante
Luiz Inacio Lula da Silva a connu la faim, la prison, l'amputation d'un doigt quand il était ouvrier, et par trois fois le pouvoir suprême, au cours d'une trajectoire trépidante.
Au milieu de son troisième mandat, celui qui a déjà dirigé le Brésil de 2003 à 2010 est rattrapé par ses soucis de santé, alors qu'aucun successeur ne sort du lot pour représenter la gauche lors de la prochaine présidentielle en 2026.
Tout en plaidant pour une "grande relève politique", il se préparait dernièrement, de l'avis général, à une nouvelle campagne. Si son état de santé est "stable" et qu'il ne présente "pas de séquelles", selon ses médecins, l'hémorragie intracrânienne qu'il a subie dans la nuit de lundi à mardi relance les interrogations.
En janvier 2023, Lula avait signé son retour au palais présidentiel du Planalto, en battant lors d'un second tour très serré deux mois plus tôt son prédécesseur d'extrême droite Jair Bolsonaro (2019-2022), dans un pays ultra-polarisé.
Un come-back improbable pour l'ancien syndicaliste, qui avait été incarcéré d'avril 2018 à novembre 2019 après une condamnation pour corruption qui a finalement été annulée.
Rien ne prédisposait à un tel destin ce cadet d'une fratrie de huit enfants né le 27 octobre 1945 dans une famille de paysans pauvres du Pernambouc (nord-est).
Enfant, Lula était cireur de chaussures. Il a sept ans lorsque sa famille déménage à Sao Paulo pour échapper à la misère.
Vendeur ambulant puis ouvrier métallurgiste à 14 ans, il perd l'auriculaire gauche dans un accident du travail.
A 21 ans, il entre au syndicat des métallurgistes et conduit les grandes grèves de la fin des années 70, en pleine dictature militaire (1964-1985).
Cofondateur du Parti des travailleurs (PT) au début des années 80, il s'impose en champion de la gauche et tente sa chance à la présidentielle. La quatrième tentative sera la bonne, en octobre 2002. Il est réélu en 2006.
Premier chef de l'Etat brésilien issu de la classe ouvrière, il a mis en oeuvre d'ambitieux programmes sociaux, grâce aux années de croissance portées par le boom des matières premières. Sous ses deux mandats, des millions de Brésiliens sortent de la misère.
Lula a aussi incarné un pays qui s'ouvre sur le monde, aujourd'hui incontournable au sein du "Sud global".
Même s'il est loin de la cote de popularité stratosphérique (87% d'approbation) de la fin de ses deux premiers mandats, ce tribun à la voix rauque et au charisme indéniable reste perçu comme près du peuple et il est particulièrement apprécié dans les régions pauvres du Nord-Est, son fief historique.
Mais il est aussi détesté par une partie des Brésiliens, notamment les sympathisants de Jair Bolsonaro, pour lesquels il incarne à tout jamais la corruption.
La première moitié de son troisième mandat a été marquée par la réactivation de programmes sociaux et une nette réduction de la déforestation en Amazonie.
Mais Lula, pourtant réputé pour son pragmatisme et sa capacité à tisser des alliances improbables, doit faire face aux réticences d'un Parlement largement conservateur et à la méfiance des milieux d'affaires qui mettent en doute sa capacité à maintenir l'équilibre budgétaire.
Même s'il assure qu'il veut "vivre jusqu'à 120 ans", le président brésilien n'a pas été épargné par les soucis de santé.
Atteint d'un cancer du larynx en 2011, il s'en était remis l'année suivante, après avoir subi des séances de radiothérapie et chimiothérapie qui l'avaient privé momentanément de son éternelle barbe.
Fin septembre 2023, Lula a aussi été opéré de la hanche avec succès.
L'ancien ouvrier avait subi une terrible épreuve intime en février 2017, avec la mort de son épouse Marisa Leticia Rocco.
Mais il s'est remarié en mai 2022 avec Rosangela da Silva, surnommée "Janja". Cette sociologue, de 21 ans sa cadette, se place souvent sur le devant de la scène, ayant promis de donner un "nouveau sens" à son rôle de Première dame.