L’Organisation des femmes ittihadies (OFI) a organisé mercredi dernier, en marge des travaux de l’Internationale socialiste des femmes, une table ronde au siège central de l’USFP à Rabat sous le thème : «Les femmes entre terre et ciel : rôles de leadership et visions durables face au changement climatique ».
Dans son allocution d’ouverture, Hanane Rihab, secrétaire nationale de l’OFI, a mis l’accent sur l’urgence de renforcer la coopération internationale pour répondre efficacement au changement climatique.
Elle a affirmé que la rencontre avec les femmes de l'Internationale socialiste représente une opportunité d'échanger des expériences et d'unifier les efforts, car les femmes sont les plus touchées par les catastrophes naturelles, exacerbées par le changement climatique, ce qui nécessite une solidarité mondiale pour y faire face.
Selon elle, ce type de rencontres contribue à engager des débats sérieux et à renforcer la coopération. «Notre objectif en organisant ce genre de rencontres est de soulager les souffrances des femmes et de parvenir à une justice climatique qui bénéficie à toutes les sociétés», a assuré Hanane Rihab lors de cette table ronde à laquelle ont pris part des figures féministes et des experts en environnement pour discuter de l’impact du changement climatique sur les femmes.
De son côté, Kamal Lahbib, fondateur du Forum des alternatives Maroc et de la Coalition marocaine pour la justice climatique, et membre du conseil international du Forum social mondial, a indiqué que la question du changement climatique va au-delà des aspects techniques et nécessite une approche politique centrée sur l’inclusion des groupes les plus affectés, notamment les femmes.
Il a ajouté que l’absence de concertation avec les femmes concernant l’élaboration des politiques publiques et des projets climatiques constitue un obstacle à la réalisation de la justice climatique, insistant sur leur intégration dans les processus de prise de décision.
Kamal Lahbib a également rappelé que le secteur agricole consomme 80% des ressources en eau au Maroc, plaidant pour une révision quant aux cultures destinées à l’exportation qui nécessitent une grande quantité d’eau tout en étant vendues à bas prix sur les marchés étrangers.
Hanane Rihab
Notre objectif en organisant ce genre
de rencontres est de soulager les
souffrances des femmes et de parvenir à une justice climatique
qui bénéficie à toutes les sociétés
Il a aussi abordé l’impact des guerres sur le climat, affirmant que les conflits armés aggravent la dégradation de l’environnement, affectant particulièrement les femmes et les enfants, appelant à poursuivre en justice tous ceux qui portent atteinte à l’environnement et à adopter des lois pour sa protection.
Pour sa part, Sanae Mosalim, professeure universitaire et coordinatrice de la Coalition marocaine pour la justice climatique, a évoqué l’impact direct du changement climatique sur les femmes, notamment dans le contexte de la sécheresse qui frappe le Maroc ces dernières années.
Elle a expliqué que la rareté de l’eau affecte les femmes, en particulier dans les zones rurales, où elles sont souvent contraintes de parcourir de longues distances pour trouver de l’eau.
Sanae Mosalim a mis l’accent sur l’importance d’intégrer les femmes dans les politiques publiques liées au climat : «Les femmes souffrent doublement de cette crise. Elles doivent donc être des partenaires actives dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques climatiques», mettant en avant la nécessité de renforcer leurs capacités et de leur fournir un soutien pour qu’elles puissent proposer des solutions durables à même de réduire l’impact du changement climatique.
L’intervention de Fadoua Rajouani, membre de l’OFI, est sur la même longueur d’onde. En effet, elle a précisé que les femmes, notamment dans les pays en développement, subissent de plein fouet les conséquences du changement climatique. Selon elle, les inégalités sociales, économiques et politiques dont souffrent les femmes aggravent leur exposition aux impacts climatiques, menaçant leurs moyens de subsistance et leurs droits fondamentaux.
Elle a révélé des chiffres alarmants en estimant que 236 millions de femmes
supplémentaires pourraient souffrir d’insécurité alimentaire en 2025, contre 131 millions d’hommes, accentuant ainsi l’écart entre les sexes. Elle a rappelé qu’en 2022, environ 2,4 milliards de personnes ont été victimes d’insécurité alimentaire, avec un taux de 27,8% pour les femmes contre 25,4% pour les hommes, ajoutant que le changement climatique pourrait plonger 158 millions de femmes supplémentaires dans la pauvreté d'ici le milieu du siècle.
Fadoua Rajouani a relié la crise climatique à l’augmentation des violences basées sur le genre, citant des études montrant une hausse des violences domestiques et des mariages des mineures dans les communautés touchées. De plus, les femmes font face à des discriminations les privant des droits de propriété foncière, de l’accès au financement et de la participation aux décisions climatiques.
Malgré tous ces défis, elle a salué la capacité des femmes à apporter des changements grâce à leurs connaissances traditionnelles quant à la gestion des écosystèmes et leur rôle dans le renforcement de la cohésion sociale lors des catastrophes naturelles, contribuant ainsi à la construction de communautés plus résilientes et d’un avenir plus durable.
Pour sa part, l’ingénieur environnementaliste Hassnaoui Moulay Driss a fait savoir que la liste des pays confrontés à des défis climatiques s’allonge et que le Maroc a enregistré une hausse des températures ainsi qu’une baisse des précipitations de 30% au cours des dernières décennies, avec des prévisions atteignant 50% d’ici 2050.
Selon lui, ces transformations ont un impact direct sur les ressources hydriques, avec une baisse des nappes phréatiques de trois mètres par an en moyenne et une diminution drastique des réserves des barrages. Il a cependant précisé que le Maroc bénéficie d’un atout majeur en produisant ses ressources en eau en interne, ce qui offre des opportunités pour développer des solutions innovantes, comme le dessalement de l’eau de mer.
Il a conclu son intervention en ajoutant que l’autonomisation des femmes dans ce domaine est une étape essentielle pour construire des sociétés plus équitables et résilientes face aux défis environnementaux.
Mourad Tabet