Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, a adressé un message aux participants aux 2èmes Assises nationales de la ré gionalisation avancée, qui se tiennent les 20 et 21 décembre à Tanger.
Voici le texte intégral du message Royal, dont lecture a été donnée par le mi nistre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit.
"Louange à Dieu, Prière et Salut sur le Prophète, Sa famille et Ses compa gnons,
Mesdames, Messieurs,
Il Nous plaît de vous adresser ce mes sage à l’ouverture des 2èmes Assises na tionales de la régionalisation avancée qui se tiennent sous Notre Haut Patronage. Cette Haute sollicitude Royale témoigne de l’intérêt éminent que Nous attachons à ce chantier stratégique, susceptible de concourir à la consolidation de la bonne gouvernance territoriale et à la réalisation du développement socio-économique dans notre pays, aux niveaux national et local. La première édition de cet important symposium national a été l’occasion d’adopter le cadre directif de mise en œuvre effective, par chaque région, de ses compétences propres et partagées. Adossé à une approche participative, ce cadre de référence permet d’explorer les voies de coopération et de partenariat entre les parties prenantes.
A ce titre, il a toujours constitué une source d’engage ment pour l’ensemble des parties signa taires. Notre souhait est que ces Assises soient l’occasion de dresser le bilan de la mise en œuvre du chantier de la régiona lisation avancée et de favoriser davantage l’interaction positive entre tous les inter venants, qu’ils soient responsables gou vernementaux, représentants d’établissements publics ou élus, autour des questions d’intérêt commun, liées à la meilleure façon de mener à bien ce chan tier. Nous attendons aussi qu’elles offrent l’opportunité d’identifier les moyens les plus efficaces d’ériger la régionalisation avancée en levier majeur de développe ment socio-économique. Il sera ainsi pos sible de relever les défis qui se posent en la matière et de remédier à l’inégale crois sance et aux disparités spatiales.
Mesdames, Messieurs,
Le premier mandat a coïncidé avec la création et l’activation des différentes structures des conseils régionaux, la fina lisation des textes d'application des lois or ganiques relatives aux collectivités territoriales, l'adoption des premiers do cuments d'aménagement et programmes de développement, ainsi qu’avec la pro mulgation de la Charte nationale de la dé concentration administrative. Le mandat présent, quant à lui, requiert une célérité redoublée pour la mise en œuvre efficace de ce chantier structurant. Ainsi, l'étape actuelle nécessite une évaluation des progrès réalisés par notre pays sur la voie de la régionalisation avan cée et du renforcement de la déconcen tration administrative, notamment en ce qui concerne l’application effective des re commandations en la matière, issues de la première édition des Assises nationales de la régionalisation avancée. D’ailleurs, dans le message que Nous avons adressé, en 2019, aux participants aux premières Assises nationales de la ré gionalisation avancée, Nous avons appelé à «mettre en place un cadre méthodolo gique définissant le calendrier des étape par lesquelles les régions devront passer dans l’exercice de leurs compétences ». À cet égard, la portée stratégique de la régionalisation avancée exige une implica tion accrue de tous les acteurs dans le pro cessus de concertation et de dialogue constructif. Afin de relever les défis qui ont émergé de la pratique sur le terrain, cette action doit être menée conformément à la logique de gradation et d’évolution dans la pleine concrétisation de ce chantier, no tamment en ce qui concerne l’audit, la dé finition, l’appropriation et l’exercice efficace des compétences dévolues.
Mesdames, Messieurs,
Ayant à cœur d'assurer une mise en œuvre optimale du chantier de la régiona lisation avancée, Nous appelons à la pour suite des efforts déployés pour répondre aux différents enjeux présents et à venir, posés par ce chantier structurant. Nous en mentionnons sept défis majeurs.
Premièrement : le défi de l’applica tion effective de la Charte nationale de déconcentration administrative
Ainsi que vous le savez, compte tenu de son importance stratégique dans la dy namique institutionnelle qui accompagne la mise en œuvre de la régionalisation avancée, le chantier de la déconcentration administrative a fait l'objet d'une attention particulière de la part de Notre Majesté, depuis Notre Accession au Trône.
À cet égard, dans le message adressé aux participants aux premières Assises na tionales de la régionalisation avancée, Nous avons appelé à accélérer l’opération nalisation de la Charte nationale de décon centration administrative. Ainsi, nous avons souligné la nécessité d’une « mobi lisation de toutes les ressources poten tielles et une implication de l’ensemble des départements ministériels, au service de la mise en œuvre effective de la Charte. Aussi, une plus grande célérité est requise dans la préparation des plans directeurs de la déconcentration administrative qui re pose sur un transfert effectif des attribu tions et des pouvoirs décisionnels, au niveau régional ». Toutefois, dans ce contexte, force est de constater que la plupart des départe ments ministériels ont tardé à activer le chantier de déconcentration administra tive. De fait, nonobstant son importance, sa mise en œuvre demeure entachée de lacunes, notamment dans le domaine des compétences prioritaires liées à l’investis sement. Ce retard dans le transfert de ces compétences aux services déconcentrés compliquerait les procédures administra tives d'investissement et empêcherait les investisseurs de les accomplir dans des conditions convenables.
Deuxièmement : le défi de l’audit et de l’opérationnalisation des attribu tions des collectivités territoriales, no tamment des conseils régionaux
C’est l’une des conditions essentielles pour mettre en œuvre le chantier de la régionalisation avancée et impulser la dynamique de dévelop pement économique et social du pays. Cepen dant, une fois encore, malgré les efforts déployés dans ce domaine, cet objectif n’a pas encore été réalisé de la manière souhaitée. A ce propos, nous préconisons l'adoption d'une approche globale dans le cadre de laquelle chacun des départements ministériels et collec tivités territoriales concernés assumera pleine ment ses responsabilités. Le but ultime est d'atteindre les objectifs assignés à l'audit des compétences, considéré comme un préalable essentiel pour passer à l’étape de la mise en œuvre pleine et entière.
Troisièmement : le renforcement de la démocratie participative aux niveaux régio nal et local, conformément aux dispositions de la Constitution du Royaume
Pour cela, les citoyennes et les citoyens, et les associations de la société civile doivent être impliqués dans le processus d’élaboration, de préparation, d’application, de suivi et d’évalua tion des politiques publiques prises avec les conseils élus, pour atteindre les objectifs fixés.
Quatrièmement : le défi lié au principe de corrélation de la responsabilité à la red dition des comptes dans le domaine de la gestion des affaires territoriales
Les régions et les autres collectivités terri toriales étant devenues une composante clé de la déconcentration dans notre pays et un pilier essentiel de la gestion territoriale, elles ont su gagner le pari du développement et opérer une rupture avec les modes conventionnels de ges tion, par l’adoption des mécanismes de gouver nance, de démocratie, de légitimité et d’efficacité. Aussi, il est désormais nécessaire de renforcer les principes de moralisation et de lutte contre la corruption, en développant la philosophie de contrôle et de responsabilisation, conformément au principe constitutionnel qui articule l’exercice de la responsabilité à la reddi tion des comptes.
Cinquièmement : le défi de l’améliora tion de l’attractivité des espaces territoriaux pour attirer les investissements productifs, comme levier essentiel de renforcement du développement durable
Dans un contexte marqué par la mondiali sation et l'intensification de la concurrence, il va de soi que l'attractivité des espaces territoriaux joue un rôle primordial dans la stimulation de la croissance économique, la création d'emplois et l’amélioration des conditions de vie des ci toyens. De ce point de vue, les régions du Royaume doivent désormais saisir les opportunités favo rables et mettre en valeur leurs atouts propres.
Pour gagner ce pari, il convient de mettre en place une stratégie volontariste visant à accroître l'attractivité à plusieurs niveaux, en créant un en vironnement propice aux entreprises, en met tant en place des infrastructures modernes, en fournissant une main d'œuvre qualifiée et en instaurant des mesures incitatives appropriées. Il faut aussi valoriser les ressources naturelles et le patrimoine culturel et historique que recèlent les différentes régions du Royaume. Cette démarche passe nécessairement par l’adoption d’une approche intégrée et participa tive. En effet, les collectivités territoriales, l'Etat, le secteur privé et la société civile doivent œu vrer de concert à l’élaboration et à la mise en œuvre de stratégies ambitieuses de renforce ment de l’attractivité, compte tenu des spécifi cités de chaque région.
Sixièmement : le défi lié à la capacité des régions à concevoir des mécanismes de financement inédits
L’expérience et la pratique ont prouvé que les formes traditionnelles de financement des stratégies et des mesures mises en place ne per mettent plus de relever les défis actuels. Il est donc nécessaire de développer d’autres formes de financement, susceptibles de réduire la pres sion financière sur les autres régions et collecti vités territoriales. Ce défi interpelle les acteurs territoriaux sur l’opérationnalisation du nouveau modèle bud gétaire local basé sur l’efficacité, d’une part, et sur l’ouverture aux nouveaux modes de finan cement que le cadre législatif actuel prévoit pour les finances locales, d’autre part.
Septièmement : le défi de faire face à certaines crises et de s’adapter aux trans formations d’aujourd’hui et aux impacts de demain
Parallèlement aux actions menées pour améliorer l’attractivité des espaces territoriaux, il faut garder à l’esprit la nécessité de gérer les risques et les crises. En effet, plusieurs régions peuvent être confrontées à un certain nombre de menaces croissantes qui, selon leur origine, peuvent être soient naturelles, économiques ou environnementales. Ces défis, souvent soudains et imprévisibles, peuvent saper les efforts de dé veloppement s’ils ne sont pas relevés de manière appropriée et en temps opportun. Il faut donc adopter une approche plus sou ple et interactive en matière d’aménagement ré gional. Plutôt que de s’en tenir à des programmes de travail rigides, les régions de vraient prendre l’initiative de renforcer leurs ca pacités d’anticipation, d’adaptation et d’apprentissage continu. Les Régions marocaines sont en mesure d’ériger des espaces territoriaux plus à même de faire face aux changements, de résister aux crises et de répondre aux défis actuels et futurs, si elles intègrent pleinement la stratégie de gestion des risques dans leurs programmes de développe ment. Un tel enjeu est crucial pour assurer un développement durable et inclusif à toutes les régions du Royaume.
Mesdames, Messieurs,
La gestion de la crise du stress hydrique, le développement du système de transport et de mobilité, l’adhésion au processus de transfor mation numérique sont parmi les problèmes et les périls auxquels il faut remédier car ils com promettent les efforts de développement dans les Régions de Notre cher Royaume. Il est de notoriété publique que le Maroc se trouve, depuis quelque temps, en situation de stress hydrique structurel, tel que Nous l’avons souligné à l’occasion de l’ouverture de la pre mière session de la deuxième année législative de 2022. Le problème du stress hydrique interpelle sans aucun doute l’ensemble des acteurs concernés, y compris les régions et les collecti vités territoriales qui sont appelés à faire preuve de sérieux et à mutualiser leurs efforts pour y remédier. A cet effet, il faut, non seulement met tre à disposition des équipements hydrauliques, pour importants qu’ils sont, mais aussi instaurer une gouvernance de l’eau afin de renforcer l’ap proche intégrée de la politique publique dans le domaine de l’eau. Ce constat est d’autant plus vrai que la lutte contre le stress hydrique consti tue un préalable essentiel à un développement territorial durable. A cette fin, les régions et le reste des collec tivités territoriales sont invitées, chacune selon ses attributions propres et partagées, avec les au tres intervenants dans ce secteur vital, à lancer des initiatives et des programmes plus ambitieux dans le cadre de la stratégie nationale de l’éco nomie de l’eau dans la région, tout en s’attelant à sa mise en œuvre à travers des mesures pro cédurales efficaces.
S’agissant de l’extension du système de transport et de mobilité pour parvenir au déve loppement régional intégré, il est certain que ce secteur connaîtra, au cours des prochaines an nées, une évolution rapide. Cette orientation est due à la dynamique croissante, à l’œuvre dans notre pays en tant que pôle régional attractif pour les investissements et aux chantiers d’en vergure lancés dans le cadre des préparatifs en cours au Maroc pour organiser la Coupe du monde 2030.
Aussi, eu égard aux défis majeurs auxquels notre pays se trouve confronté au début du 3ème millénaire, et compte tenu des ambitions et des objectifs stratégiques de l’Etat, le déve loppement d’un système de transport inclusif et durable constitue désormais une exigence es sentielle pour atteindre le développement régio nal intégré. Il est aussi une condition sine qua non pour réduire les disparités spatiales et so ciales, au niveau territorial.
Pour ce faire, les régions et les collectivités territoriales sont tenues de contribuer, aux côtés de l’Etat, au développement de ce secteur. Plutôt qu’un choix délibéré, la transforma tion numérique des collectivités territoriales est désormais une condition essentielle pour que celles-ci se mettent au diapason de la révolution technologique à l’œuvre dans le monde d’au jourd’hui.
De fait, aucune dynamique de déve loppement territorial ne peut être conçue sans son corollaire numérique, d’autant plus que nous assistons à une intégration accrue de la technologie numérique dans tous les domaines de gestion des affaires territoriales.
Mesdames, Messieurs,
Prenant la mesure de l’ampleur des défis et des problématiques qui se posent à notre pays et, intimement convaincu de l’importance cru ciale du chantier de la régionalisation avancée et compte tenu de l’étape actuelle, il convient de marquer un temps d’arrêt pour dresser le bilan de sa mise en œuvre en lien notamment avec la concrétisation des recommandations issues de la première édition de ces Assises.
Dans le même esprit, Nous vous exhortons à tracer une feuille de route claire et consensuelle, qui permet de définir les orientations stratégiques pour la prochaine étape. Nous formons le souhait que ces Assises nationales soient l’occasion de formuler des re commandations et des conclusions pertinentes et constructives et Nous prions le Très-Haut de couronner vos travaux de succès et de guider vos pas au service de la patrie et des citoyens.
Wassalamou alaikoum warahmatoullahi wa barakatouh".