Fethallah Mohammed :
Fethallah Mohammed a joué en tant que gardien de but au sein de la Renaissance Sportive de Settat (RSS) dans les années 1970. Après près de trois saisons au club, il a interrompu sa carrière sportive pour poursuivre ses études en France, où il a obtenu un doctorat en urbanisme et aménagement du territoire.

Libé : Vous avez interrompu votre carrière sportive à la Renaissance Sportive de Settat pour privilégier vos études. Cela a-t-il constitué une décision difficile à prendre ?

Fethallah Mohammed : Dans une certaine mesure, non. Mon objectif principal n’était pas forcément le football. Mes études étaient ma priorité. De plus, l’activité culturelle et sportive à Settat était très limitée. Dans les années 1970-1980, il existait encore un semblant de dynamisme avec différentes disciplines comme l’athlétisme ou la natation. Malheureusement, la situation s’est encore détériorée aujourd’hui. A partir de ce moment-là, j’ai pratiquement abandonné le sport, d’autant plus qu’étant étudiant à l’étranger, il m’était difficile de continuer à pratiquer le football.

Selon vous, qu’est-ce qui explique la dégradation des activités sportives et culturelles à Settat ?

C’est une question complexe. Comme on dit en arabe : "Si vous confiez des responsabilités à des personnes qui ne les méritent pas, les conséquences sont néfastes." Il y a, d’un côté, un problème de gouvernance et, de l’autre, une forte mobilité des habitants de Settat. Historiquement, de nombreux jeunes devaient quitter la ville pour poursuivre leurs études ou se former ailleurs. Par ailleurs, l’exode rural a transformé la région : les terres agricoles sont souvent vendues, et les nouveaux arrivants en ville occupent souvent des emplois précaires.

Quelle était l’ambiance dans le football à cette époque ?

La Renaissance Sportive de Settat figurait parmi l’élite. Elle était souvent en tête de la première division et remportait des trophées prestigieux comme la Coupe du Trône. Des joueurs comme Gabary, Alaoui, Mâati et Slimani étaient même internationaux. Malheureusement, la génération suivante n’a pas suivi. Le manque de formation et l’absence de relève ont précipité le déclin du club.

Comment une équipe aussi prestigieuse a-t-elle pu sombrer de la sorte ?

Ce n’est pas un phénomène propre à Settat. De nombreuses équipes d’autres villes ont connu un sort similaire. Le principal problème réside dans l’absence de structures de formation pour les jeunes. Par ailleurs, le départ de personnalités influentes, tel Driss Basri, a privé le club de financements essentiels.

Aujourd’hui, l’équipe évolue en première division amateur. Comment vivez-vous cette rétrogradation ?

C’est difficile à accepter, mais je me suis tourné vers le golf.

Avez-vous tenté de relancer le club avec d’anciens joueurs ?

Nous avons essayé, mais l’environnement n’est pas favorable. Sans moyens financiers ni soutien, même un bon président ne peut réussir. Cependant, avec les nouvelles infrastructures et l’université locale, il y a un potentiel. Il suffirait de réunir des personnes passionnées et d’investir dans la formation des jeunes.

Les joueurs d’aujourd’hui sont mieux payés qu’à votre époque. Pensez-vous que cela favorise leur attachement au football ?

C’est possible, mais il faut aussi reconnaître que le matérialisme domine aujourd’hui. Beaucoup de jeunes rêvent de devenir footballeurs professionnels en voyant les grands clubs européens, mais très peu y parviennent.

En 2030, le Maroc co-organisera la Coupe du monde. Vos coéquipiers de la RSS des années 1970 auraient-ils pu l’imaginer ?

A l’époque, c’était inimaginable. Nous manquions d’infrastructures. Aujourd’hui, grâce aux efforts de Sa Majesté le Roi, nous disposons d’équipements modernes et nous sommes en mesure de compter sur une volonté politique forte.

Y a-t-il des équipes actuelles qui vous rappellent la belle époque de la RSS ?

Honnêtement, le football européen a pris le dessus. A l’instar de bon nombre de passionnés de football, je préfère regarder des matchs du Real Madrid ou du Barça, ce qui n’est pas fait pour servir malheureusement le sport national.

Quel joueur de l’équipe nationale actuelle appréciez-vous particulièrement?

Il y a plusieurs joueurs remarquables, comme Brahim Diaz ou Amrabet, très régulier. Mais il faut noter que la plupart d’entre eux ont été formés en Europe.

Un pronostic pour la prochaine Coupe d’Afrique ?

Sans chauvinisme, je pense que le Maroc a de bonnes chances de l’emporter, aux côtés de la Côte d’Ivoire.

Propos recueillis par Alain Bouithy

Fethallah Mohammed :