L'armée israélienne "a détruit les principaux sites militaires en Syrie" en menant plus de 300 frappes aériennes dans le pays depuis la prise de Damas par les rebelles et la chute du président Bachar al-Assad dimanche, a affirmé mardi l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

Des journalistes de l'AFP dans la capitale ont entendu de fortes explosions à l'aube, des images en direct de l'AFPTV montrant d'épaisses colonnes de fumée au-dessus du centre, où des rebelles en armes patrouillent les rues et sont postés sur la place centrale des Omeyyades.
Devant la sinistre prison de Saydnaya, les secouristes ont annoncé tôt mardi mettre fin à leur recherche de possibles cachots souterrains 
Un centre de recherche scientifique à Damas, relevant du ministère de la Défense, et figurant parmi les cibles israéliennes selon l'OSDH, a été complètement détruit, a constaté mardi un journaliste de l'AFP. Ce centre était accusé par les Etats-Unis d'être lié au programme d'armement chimique syrien.

L'OSDH, qui s'appuie sur un vaste réseau de sources en Syrie, a recensé "près de 310 frappes". Selon elle, Israël a notamment bombardé des aéroports, radars, et dépôts d'armes dans plusieurs régions, et a endommagé des navires de la marine syrienne en attaquant une unité de défense aérienne près du grand port de Lattaquié, dans le nord-ouest.
Ces raids visent "la destruction des armes restantes" de l'ancien pouvoir, allié de l'Iran et du Hezbollah libanais ainsi que de la Russie, a estimé l'OSDH.

Israël avait confirmé lundi avoir détruit au cours des derniers jours des dépôts militaires, notamment d'"armes chimiques", en Syrie pour éviter leur prise par les rebelles, animés, selon son gouvernement, par "une idéologie extrême de l'islam radical".

L'armée israélienne a en outre pénétré depuis plusieurs jours dans la zone tampon avec la Syrie à la lisière de la partie du plateau du Golan occupée et annexée par Israël.
L'ONU a affirmé qu'il s'agit d'une "violation" de l'accord de désengagement de 1974 entre Israël et la Syrie.

L'Iran a dénoncé une "violation flagrante" du droit, après des condamnations similaires de la part de la Jordanie et l'Arabie saoudite.
L'armée israélienne a par ailleurs démenti mardi des informations faisant état d'une avancée de ses chars vers Damas.

Près de Damas, devant la sinistre prison de Saydnaya, conquise dimanche par les rebelles, les secouristes ont annoncé tôt mardi mettre fin à leur recherche de possibles cachots souterrains.

"Les Casques blancs annoncent la conclusion des opérations de recherche (..) sans avoir trouvé de lieux secrets ou cachés", ont-ils dit dans un communiqué. Des milliers de personnes étaient massées depuis dimanche, jour de la chute de Damas, autour de la prison dans l'espoir de nouvelles de leurs proches disparus.
Des insurgés ont auparavant affirmé avoir trouvé des dizaines de cadavres portant des traces de tortures.

Le chef de la rébellion, Abou Mohammad al-Jolani, a promis de châtier les auteurs d'exactions. "Nous allons annoncer une liste numéro un qui comprend les noms des plus hauts responsables impliqués dans les tortures contre le peuple syrien", a-t-il écrit sur Telegram.

"Nous poursuivrons les criminels de guerre et demanderons qu'ils soient remis par les pays où ils se sont enfuis", a-t-il ajouté. Selon des médias libanais, plusieurs anciens dignitaires du pouvoir déchu se sont réfugiés à Beyrouth sous la protection du Hezbollah.

M. Jolani - Ahmed al-Chareh de son vrai nom - a promis des récompenses à quiconque permettra la capture d'anciens responsables "impliqués dans des crimes de guerre". Il a précisé avoir "accordé l'amnistie" au personnel subalterne de l'armée et des forces de sécurité.

Depuis le début du soulèvement en 2011, plus de 100.000 personnes ont péri dans les prisons syriennes, notamment sous la torture, estimait en 2022 l'OSDH.
Des images sur les réseaux sociaux ont montré des dizaines d'hommes, visages émaciés, certains portés par des camarades car trop faibles pour avancer seuls, sortir dimanche de la prison de Saydnaya, qualifiée d'"abattoir humain" par Amnesty International.

Des rebelles ont déclaré à l'AFP avoir trouvé lundi une quarantaine de corps portant des traces de torture dans la morgue d'un hôpital près de Damas, entassés dans des sacs mortuaires.

"C'était un spectacle horrible: une quarantaine de corps étaient empilés, montrant des signes de tortures effroyables", a décrit à l'AFP Mohammed al-Hajj, un combattant rebelle du sud du pays.

L'AFP a pu voir des dizaines de photographies et de séquences vidéo que M. Hajj dit avoir prises lui-même, montrant des cadavres aux yeux et dents arrachés, couverts d'éclaboussures de sang et d'ecchymoses.

Emporté dimanche après 13 ans de guerre civile par une offensive spectaculaire d'une coalition rebelle dirigée par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS) de M. Jolani, Bachar al-Assad a fui le pays avec sa famille pour Moscou, selon les agences de presse russes.

Au lendemain de son entrée à Damas, le chef rebelle a eu lundi un entretien avec l'ex-Premier ministre Mohammed al-Jalali pour "coordonner la transition du pouvoir", après que le Parlement et le parti Baas du président déchu ont apporté leur soutien à la transition, selon un communiqué des rebelles.

"Les forces de sécurité oeuvrent à sécuriser les bâtiments gouvernementaux et les installations publiques et privées, et mènent des patrouilles pour assurer la sécurité à Damas", a déclaré un responsable de HTS, Mohammed Abdel Rahmane, dans un communiqué séparé diffusé par la télévision d'Etat.

Les commerces d'alimentation et marchés ont rouvert leurs portes mardi, tandis que des équipes nettoyaient les rues, a constaté un journaliste de l'AFP.

HTS, ex-branche syrienne d'Al-Qaïda, affirme avoir rompu avec le jihadisme, sans réellement convaincre les pays occidentaux, dont les Etats-Unis, qui le classent terroriste.
Au moins 910 personnes, dont 138 civils, ont été tuées durant l'offensive rebelle éclair lancée le 27 novembre, selon l'OSDH.