Les nouveaux maîtres de la Syrie cherchent à rassurer la communauté internationale
Le Premier ministre chargé de la transition à Damas cherche à rassurer la communauté internationale quatre jours après la chute de Bachar al-Assad, alors que le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, est arrivé jeudi en Jordanie pour discuter de la situation.

A l'issue d'une offensive fulgurante de onze jours, une coalition de groupes rebelles dominée par le groupe islamiste sunnite radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS) a renversé dimanche le pouvoir de Bachar al-Assad qui a pris la fuite en Russie.

Alors que des pays occidentaux s'inquiètent de la façon dont le nouveau pouvoir va traiter les nombreuses minorités en Syrie, le Premier ministre, Mohammad al-Bachir, veut rassurer.
"Nous garantirons les droits de tous (...) et de toutes les confessions en Syrie", a-t-il affirmé mercredi dans une interview au quotidien italien Corriere della Sera.
HTS affirme avoir rompu avec le jihadisme mais il reste classé mouvement "terroriste" par plusieurs pays occidentaux, dont les Etats-Unis.

M. Bachir a en outre appelé les Syriens exilés à rentrer chez eux pour "reconstruire" le pays, à majorité arabe sunnite, où vivent plusieurs communautés ethniques et confessionnelles.
Quelque six millions de Syriens, soit un quart de la population, ont fui le pays depuis 2011, quand la répression de manifestations prodémocratie a déclenché une guerre dévastatrice qui a fait plus d'un demi-million de morts.

Jeudi, près de 200 personnes se pressaient au poste-frontière turc de Cilvegözü, à 55 km d'Alep, pour entrer en Syrie, selon un gendarme interrogé par l'AFP.

Dans un Moyen-Orient en pleine ébullition, où la guerre se poursuit notamment à Gaza, le chef de la diplomatie américaine est arrivé jeudi matin en Jordanie où il devait avoir des entretiens centrés sur la Syrie, avant d'aller en Turquie.

Lors des discussions à Aqaba, sur la mer Rouge, M. Blinken "réitérera le soutien des Etats-Unis à une transition inclusive (...) vers un gouvernement responsable et représentatif", a indiqué le porte-parole du département d'Etat, Matthew Miller.

Il doit évoquer aussi "la nécessité (...) de respecter les droits des minorités, de faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, d'empêcher que la Syrie ne serve de base au terrorisme ou ne constitue une menace pour ses voisins, et de veiller à ce que les stocks d'armes chimiques soient sécurisés et détruits en toute sécurité", a-t-il ajouté.

Israël a récemment dit avoir mené des centaines de frappes contre des sites militaires stratégiques à travers la Syrie voisine, disant vouloir "empêcher qu'ils ne tombent aux mains d'éléments terroristes".

L'armée israélienne a de nouveau frappé dans la nuit de mercredi à jeudi des sites militaires sur la côte syrienne, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), une ONG basée au Royaum-Uni qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie.

Pour l'émissaire de l'ONU pour la Syrie, Geir Pedersen, la transition en Syrie doit être "inclusive" pour éviter une "nouvelle guerre civile".
A Damas, où flotte désormais le drapeau de la révolution, la vie a repris son cours, et des habitants ne cachent pas leur joie.

"En voyant les gens partout dans les rues, on a l'impression que nous étions tous des prisonniers sous terre et que nous sommes désormais sortis à la lumière du jour", confie Razan al-Halabi, un habitant de la capitale de 38 ans.
 
Au pouvoir en Syrie pendant plus de 50 ans, le parti Baas a annoncé mercredi la suspension de ses activités.
Après la chute du pouvoir, de nombreux Syriens sont en quête de proches disparus lors des décennies de féroce répression.
Depuis 2011, plus de 100.000 personnes ont péri dans les prisons syriennes, estimait en 2022 l'OSDH.

L'ONG Human Rights Watch a estimé jeudi que la chute de Bachar al-Assad représentait une opportunité "historique" pour la Syrie de "tourner la page" des violations des droits humains, et appelé les nouvelles autorités à "montrer l'exemple".

Si la situation semble être calme depuis dimanche dans la majorité du pays, des combats meurtriers ont eu lieu ces derniers jours entre combattants proturcs et forces prokurdes dans la région de Manbij, dans le nord de la Syrie, selon l'OSDH.

Les Forces démocratiques syriennes (FDS, dominées par les Kurdes et soutenues par les Etats-Unis), qui contrôlent de vastes régions du nord-est de la Syrie, ont annoncé mercredi une trêve via une médiation américaine avec les groupes proturcs.
Mardi soir, Deir Ezzor, ville de l'est du pays qui était contrôlée par les forces kurdes, a été prise des rebelles, selon l'OSDH.

Parallèlement, des drones turcs ont frappé des sites militaires gouvernementaux près de Qashmili, y compris aux abords de l'aéroport de cette ville du nord-est du pays située à la frontière turque et contrôlée par les forces kurdes.