Images de prisonniers torturés et témoignages sur la terreur: la chute il y a une semaine de Bachar al-Assad a mis a nu la répression implacable du pouvoir en Syrie, alors que les nouvelles autorités s'emploient à rassurer en promettant un Etat de droit.
"Libre", "on n'a plus peur", "cauchemar fini", des déclarations de Syriens euphoriques qui reviennent après le renversement de M. Assad, chassé du pouvoir par une coalition de factions rebelles emmenées par le groupe radical islamiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS).
Pendant plusieurs jours, des scènes de liesse ont éclaté dans différentes villes de Syrie et parmi les Syriens de la diaspora, après que des millions de Syriens ont fui la guerre.
Les statues de Bachar al-Assad et de son père Hafez, dont la famille a dirigé le pays pendant 50 ans, sont détruites dans plusieurs cités. Son palais et sa résidence à Damas sont saccagés. "Il vivait dans le luxe pendant qu'on souffrait", s'exclame un Syrien.
Le 8 décembre, la coalition rebelle entre à Damas et annonce le renversement du pouvoir, après une offensive surprise et fulgurante qui lui a permis de s'emparer de la grande partie du pays en 11 jours. Lâché par ses proches alliés, l'Iran et la Russie, M. Assad fuit à Moscou et son armée est défaite.
Dirigé par Abou Mohammad al-Jolani, HTS affirme avoir rompu avec le jihadisme mais reste classé "terroriste" par plusieurs capitales occidentales, dont Washington.
Le nouveau Premier ministre chargé de la transition, Mohammad al-Bachir, a promis un Etat de droit face aux inquiétudes de la communauté internationale qui attend de voir comment les autorités musulmanes sunnites à Damas vont traiter les minorités du pays multiethnique et multiconfessionnel.
Chaque jour qui passe depuis une semaine donne lieu à des découvertes macabres, témoignage des pires exactions du pouvoir déchu.
A mesure de leur progression et de la prise de villes, les rebelles ont ouvert les prisons et libéré les détenus, parfois des sous-sols ou de derrière des murs.
Des milliers de personnes se sont ruées vers les prisons, commissariats, centres de renseignement et centres militaires dans le pays, à la recherche d'informations sur leurs proches disparus.
Le journaliste Mohammed Darwich, 34 ans, est retourné dans le centre de détention "branche de Palestine", géré par les services de renseignement à Damas, où il a été détenu 120 jours.
Il se souvient de ce jeune homme turc devenu "fou" par la pluie de coups qui s'abattaient sur lui. "Cette cellule a été témoin de tellement de tragédies", dit-il à l'AFP.
Mehmet Ertürk a aussi passé une partie de ses 21 années de détention en Syrie dans la "branche de Palestine".
"Nos os sortaient de la chair lorsqu'ils nous frappaient les poignets à coups de marteau", raconte ce Turc de 53 ans, rentré dans son pays après sa libération. "Ils ont aussi versé de l'eau bouillante sur le cou d'un codétenu".
Pendant les célébrations, les langues commencent à se délier. "La peur a disparu", se réjouit à Damas Lina al-Istaz, une fonctionnaire de 57 ans.
"Les Assad père et fils nous ont oppressés mais nous avons libéré notre pays de l'injustice", s'enthousiasme à Alep (nord) un policier de 47 ans.
"Nous avons été séparés pendant plus de 40 ans. Aujourd'hui, nous sommes venus pour faire la fête à Damas, car celui qui nous a séparés est parti", dit Susan Soliman, de Tartous (ouest).
La chute de M. Assad, mis au ban par une grande partie de la communauté internationale après le début de la guerre en 2011, a été saluée par de nombreux pays.
Le secrétaire d'Etat Antony Blinken a affirmé samedi que les Etats-Unis avaient établi un contact direct avec HTS et "d'autres parties". Il a précisé que ce contact faisait notamment partie des efforts visant à localiser Austin Tice, un journaliste américain enlevé en 2012 en Syrie.
Après plusieurs jours d'euphorie, les Syriens ont repris leur vie normale en espérant que les malheurs des dernières décennies restent derrière eux.
"Il faut qu'on relance rapidement l'activité dans le souk", affirme Amjad Sandouq, un commerçant du célèbre souk Hamidiyé dans le vieux Damas. "Le régime est tombé, mais l'Etat n'est pas tombé, grâce à Dieu".
Dimanche, des dizaines d'élèves, en uniforme, ont repris le chemin de l'école à Damas, pour la première fois depuis la chute de M. Assad.
Selon un employé d'une école publique, le taux de fréquentation dimanche "ne dépasse pas les 30%", mais "les chiffres devraient augmenter progressivement".
Commerces et entreprises ont aussi rouvert. Une dizaine de personnes font la queue devant une boulangerie. Sur les trottoirs, des vendeurs ambulants proposent des bidons d'essence aux habitants alors que les coupures de courant sont fréquentes.
Meurtri par près de 14 ans de guerre dévastatrice déclenchée par la répression de manifestations prodémocratie, le pays est confronté à une économie en lambeaux et à des sanctions internationales.
Sans oublier les ingérences étrangères et un bilan humain très lourd: un demi-million de morts et six millions de Syriens en fuite.