Les OQTF ont non seulement configuré le débat politique interne entre radicaux qui veulent en appliquer un maximum impérial signal sérieux de lutter contre l’immigration clandestine et tolérants qui veulent les gérer avec une forme de souplesse et de réalisme.
L’immigration est devenue le grand spleen français. Tout tourne autour de sa gestion. Les succès en interne se jaugent sur l’épaisseur de la fermeté affichée. Les succès en externe se mesurent au nombre des OQTF exécutés.
Justement le mot magique de cette période est OQTF, Obligation de quitter le territoire, ces quatre lettres magiques sont en train de devenir l’alpha et l’omega de la politique française. Tout absolument semble tourner autour de la capacité du gouvernement à en exécuter un maximum, comme signe extérieur de réussite gouvernementale. Quand le ministre Bruno Retailleau a succédé à Gérald Darmanin, la nécessité de gonfler les chiffres des OQTF était au cœur de ce passage de témoin entre deux ministres dont la compétition politique et symbolique était celle d’obtenir des laissez-passer consulaires de pays exportateurs de clandestins en France.
Les OQTF ont non seulement configuré le débat politique interne entre radicaux qui veulent en appliquer un maximum impérial signal sérieux de lutter contre l’immigration clandestine et tolérants qui veulent les gérer avec une forme de souplesse et de réalisme. Elles ont aussi impacté lourdement les relations diplomatiques de la France avec les pays du Maghreb d’où semble être originaire une grande partie des immigrés illégaux à expulser.
Ainsi lors de la récente visite d’Etat du président Emmanuel Macron au Maroc, alors qu’à Rabat on s’extasiait sur l’ampleur des investissements entrepris entre les deux pays et la préciosité de ce moment de retrouvailles entre les deux pays après une longue bouderie, à Paris l’unique sujet de préoccupation qui animait les débats était de savoir qui du duo Emmanuel Macron/Bruno Retailleau avait réussi à convaincre les autorités marocaines à délivrer plus de laissez-passer consulaires pour que ces OQTF puissent être exécuté en masse. À l’encontre de l’Algérie aussi. La vision et les enjeux semblent concentrés sur la question migratoire. Au cœur des tensions diplomatiques récurrentes entre Paris et Alger, la France revient régulièrement sur la nécessité d’annuler le fameux accord de 1968 qui organise, en lui donnant des avantages substantiels, l’immigration algérienne en France. D’ailleurs entre ces deux pays, le baromètre des laissez-passer consulaires semble être l’unique indicateur de la bonne santé ou de la dégradation des relations entre les deux pays. Quand une tension domine l’axe Paris/Alger, le volume des laissez-passer consulaires délivrés par l’Algerie fond comme neige au soleil. Les messages sont alors compris de part et d’autre. La question migratoire domine le débat politique français depuis des années.
De manière si présente et si massive que l’extrême droite, surfant sur ce qui ressemble à une impuissance française sur la question, avait réussi à réaliser de grandes performances électorales comme le montrent successivement les résultats des récentes élections européennes et législatives. Et pour Emmanuel Macron, s’il ne veut pas être dans une situation de remettre les clefs de l’Elysée à Marine Le Pen en 2027, il doit pouvoir afficher un bilan positif et engageant dans la lutte contre l’immigration clandestine, présentée à tort ou à raison comme l’obsession majeure du moment de l’opinion française.
D’ailleurs cette affaire est si présente dans le débat politique et médiatique qu’il est impossible d’imaginer une apparition du ministre français de l’intérieur Bruno Retailleau sans qu’il soit interpellé sur les avancées réalisées sur ces fameux OQTF. Et ce qui avait lourdement enflammé ce débat c’est que certains faits de violence ou à caractères terroriste ont été commis par des personnes sous OQTF et dont la présence en France trahissait bruyamment l’incapacité des autorités françaises à appliquer les règles et les lois qu’elles édictent pour une bonne gestion du flux migratoire.
Ces fameux OQTF vont certainement demeurer au cœur de la démarche diplomatique française à l’encontre des pays accusés de faire de l’obstruction administrative. L’arme des visas qui avait été utilisée du temps de Gérald Darmanin avait montré ses limites et ses effets boomerang sur l’image de la France dans cette région. Et toute la question est de savoir ce que le gouvernement Barnier, Bruno Retailleau à la place Beauvau, pourra utiliser comme moyen de pression et de séduction pour convaincre les pays réticents d’octroyer d’avantage de laissez-passer consulaire et de diminuer drastiquement le nombre de clandestins en France.
Pour beaucoup d’observateurs, de cette politique dépendra la physionomie des grands rapports politiques entre le gouvernement et les partis du gouvernement. Un échec équivaut à une montée encore plus fulgurante de l’extrême droite. Un succès même relatif signifierait son tassement et pourquoi pas son recul dans l’opinion.