Le projet de loi a été approuvé par la Chambre des représentants avec 124 voix pour et 41 contre.

Législation : Le Maroc est sur la bonne voie pour se doter pour la première fois de son histoire d’une loi définissant les conditions et les modalités d’exercice du droit de grève. La première Chambre vient de valider le texte en attendant les conseillers. Les détails.

C’est une première. Le projet de loi organique définissant les conditions et les modalités d’exercice du droit de grève a reçu le visa des députés. En effet, la Chambre des représentants a adopté, mardi soir, à la majorité, le projet de loi organique définissant les conditions et les modalités d’exercice du droit de grève dans son ensemble, tel qu’il a été modifié et approuvé par la Chambre, avec 124 voix pour et 41 contre. Cette séance plénière, présidée par le président de la Chambre des représentants, Rachid Talbi Alami, a été marquée par l’examen d’un ensemble d’amendements, dont de nouveaux amendements qui n’ont pas été examinés auparavant au sein de la commission des secteurs sociaux à la Chambre des représentants. Ces amendements concernent des propositions présentées par le ministre de l’inclusion économique, de la petite entreprise, de l’emploi et des compétences, Younes Sekkouri, et d’autres soumis par des députés parlementaires, dont la réduction des délais de notification de la grève dans le secteur public, le service public ou encore dans le secteur privé pour les professionnels. Parmi les principaux amendements proposés par le gouvernement et adoptés figure l’intégration des travailleuses et travailleurs domestiques parmi les catégories concernées par le droit de grève.

Cette catégorie a été intégrée dans l’alinéa 2 de l’article 2 du projet de loi, qui stipule désormais que «la grève implique tout arrêt volontaire et collectif d’exercice de la profession ou du travail de la part des professionnels, travailleurs indépendants, personnes non-salariées et travailleuses et travailleurs domestiques, pendant une période déterminée, en vue de défendre un droit ou un intérêt lié à l’amélioration de leurs conditions professionnelles.» Les amendements du gouvernement ont également porté sur la possibilité de recourir à la justice urgente pour suspendre temporairement une grève, en ajoutant un alinéa à l’article 20 stipulant que «les autorités publiques concernées peuvent saisir le juge des référés au tribunal compétent pour obtenir une ordonnance judiciaire en vue de suspendre d’une manière temporaire la grève, lorsque celle-ci menace l’ordre public ou interrompt le service minimum.» Le projet de loi organique relatif à la grève a fait l’objet de plusieurs amendements au sein de la commission des secteurs sociaux à la Chambre des représentants, notamment l’abrogation des dispositions concernant l’interdiction des grèves par alternance et des grèves politiques, ainsi que la suppression de la mention «peine criminelle la plus sévère» des articles et des peines privatives de liberté. Selon le rapport de la Commission des secteurs sociaux concernant ce projet de loi organique, le nombre d’amendements proposés par les différents groupes parlementaires s’est élevé à 334, tandis que le gouvernement a soumis 56 amendements.

Libertés syndicales

Le projet de loi organique n° 97.15 définissant les conditions et les modalités d’exercice du droit de grève entend protéger les travailleurs et l’entreprise, ainsi qu’à élargir les libertés syndicales, a affirmé, mardi à Rabat, le ministre de l’inclusion économique, de la petite entreprise, de l’emploi et des compétences, Younes Sekkouri. Plusieurs amendements ont été retenus, «non pas sur la base de considérations politiques, mais plutôt parce qu’il s’agit d’amendements logiques et raisonnables qui répondent aux besoins des citoyens», a déclaré M. Sekkouri lors de sa présentation du projet de loi à la Chambre des représentants, mettant l’accent sur l’approche participative adoptée et le compromis atteint avec diverses organisations syndicales et politiques. Après avoir souligné que ce texte garantit l’équilibre en protégeant le droit de grève ainsi que le droit du travail, le ministre a affirmé que les abus ne pourraient pas être autorisés au sein des entreprises, de même que l’interruption des services aux citoyens. S’attardant sur l’amélioration du texte du projet de loi, M. Sekkouri a dit qu’en plus d’empêcher l’employeur de recruter des travailleurs pour remplacer les grévistes, il sera stipulé de ne pas recruter de personnes qui n’avaient pas de relation de travail avec l’établissement avant la date de la grève, faisant savoir que le but de cet amendement est de limiter la possibilité pour l’employeur de recourir à des stagiaires pour remplacer les grévistes et ce, afin que l’employeur prenne conscience que le dialogue est la solution pour mettre fin à la grève.

Concernant les sanctions, le ministre a indiqué que des modifications fondamentales avaient été apportées au projet de loi, notamment «en annulant les peines privatives de liberté qui étaient présentes dans le texte précédent» et en supprimant le renvoi aux sanctions «pénales maximales», qui ne peuvent pas être appliquées à une grève étant «un simple arrêt de travail», notant que dans des cas tels que le sabotage ou l’atteinte à la sécurité publique, d’autres lois s’appliquent. Le ministre a ajouté que le projet de loi sera développé et amélioré en ce qui concerne les sanctions pour le rendre plus équilibré, soulignant que les sanctions infligées à l’employeur ne devraient pas être similaires à celles imposées aux syndicats, en cas de violation de cette loi, afin de limiter le recours de l’employeur au paiement de contraventions dues au non-respect des droits des travailleurs. Il s’agit aussi, selon le responsable gouvernemental, d’interdire à l’employeur de prendre des mesures arbitraires à l’encontre des travailleurs, notamment le licenciement ou la mutation arbitraire, tant que la grève a été observée conformément à la loi.

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Processus d’élaboration

Réactions des parlementaires..

Les groupes de la majorité ont salué l’approche participative et l’esprit de compromis qui ont marqué le processus d’élaboration de ce texte juridique, estimant que «toutes les étapes que le projet de loi organique de la grève a franchies à la Chambre des représentants reflètent l’intérêt prioritaire accordé par le gouvernement au secteur de l’emploi, notamment pendant la période restante de la législature. Et d’estimer que «ce projet permet à chacun de contribuer, à partir de ses différentes positions, à fournir les conditions et les prérequis de la paix économique et sociale, à assurer sa durabilité et sa continuité» et à «créer un climat social et économique sain qui promeut l’économie nationale et les opportunités de développement durable».

Les groupes de la majorité ont aussi souligné la nécessité d’étendre la dynamique et l’esprit de responsabilité ayant caractérisé l’examen de ce projet au reste des textes législatifs liés à la réforme de l’écosystème de travail, en droite ligne avec le programme du gouvernement et son engagement à établir un dialogue social durable visant à élaborer des lois relatives à l’emploi. De leur côté, les groupes de l’opposition ont relevé que «ce projet de loi n’a pas répondu aux attentes», se félicitant en revanche de l’approche participative adoptée par le gouvernement lors de l’examen de ce projet, notamment à partir des séances de dialogue social avec les syndicats et divers acteurs politiques. De même, ils ont fait observer que «ce projet de loi devrait être soumis à la Cour constitutionnelle, après son adoption au Parlement», notant que «ce processus institutionnel débouchera sur une loi organique à même de renforcer le droit de grève et mettre fin aux problématiques qui ont marqué la période de vide juridique en la matière.