Bien que le cancer, vu sa complexité, reste l’un des grands défis de la médecine moderne, le Maroc a pris un grand nombre de mesures pour lutter contre cette maladie pour ne citer que le Plan national de prévention et du contrôle du cancer 2020/2029. Une oncologue médicale au Centre régional d’oncologie à Beni Mellal, une hématologue au même centre et professeur à la Faculté de médecine et de pharmacie de Beni Mellal et un pharmacien d’officine dans la même ville nous livrent leurs réflexions et leurs points de vue sur le cancer, le dépistage précoce, la sensibilisation, la prise en charge, la prévention.
En cette Journée mondiale de lutte contre le cancer, il est impératif de rappeler que cette maladie, dans toute sa complexité, demeure l’un des plus grands défis de la médecine contemporaine. Pr Naoual Hasnaoui, hématologue au Centre régional d’oncologie de Beni Mellal et à la Faculté de médecine et de pharmacie de la même ville, a jeté un regard éclairé sur les enjeux contemporains de la lutte contre cette maladie qui, inexorablement, continue d’affecter nos sociétés. Elle souligne que «les hémopathies malignes (cancers, ceux qui affectent le sang et le système lymphatique – leucémies, lymphomes, myélomes, etc.), cancers du sang qui constituent mon domaine d’expertise, illustrent parfaitement la complexité des défis auxquels nous sommes confrontés, mais également les espoirs que suscitent les avancées thérapeutiques modernes».
Et d’ajouter : «Contrairement aux tumeurs solides, les hémopathies malignes affectent les cellules sanguines et les tissus lymphoïdes, rendant leur diagnostic souvent plus insidieux. Une leucémie, par exemple, peut être révélée par une simple anomalie hématologique détectée lors d’un examen de routine, sans symptôme apparent. Cette absence de manifestations précoces complique la détection et retarde parfois la prise en charge. Le traitement des cancers du sang repose sur une approche multidimensionnelle, alliant chimiothérapie, immunothérapie, thérapies ciblées et, dans certains cas, greffe de moelle osseuse. Chaque patient requiert une stratégie thérapeutique individualisée, fondée sur les spécificités biologiques de sa maladie et son état général».
Et de poursuivre : «La lutte contre les cancers hématologiques ne peut se faire sans un engagement soutenu dans la recherche. Comprendre les mécanismes de la résistance tumorale, développer des traitements personnalisés et intégrer l’intelligence artificielle dans l’analyse des données biologiques sont autant de pistes prometteuses qui façonneront l’hématologie de demain. En cette Journée mondiale de lutte contre le cancer, nous, hématologues, renouvelons notre engagement envers nos patients, portés par une ambition commune : transformer cette maladie en une pathologie mieux maîtrisée, voire curable. Si les progrès sont indéniables, la route est encore longue, et c’est par la collaboration entre cliniciens, chercheurs et citoyens engagés que nous pourrons offrir à nos patients les meilleures chances de guérison».
Quant à Dr Nadia Filali, oncologue médicale au Centre régional d’oncologie de Beni Mellal, elle a d’abord mis l’accent sur la situation du cancer au Maroc en faisant savoir que «le cancer représente un enjeu de santé publique au Maroc. Selon les données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le cancer est la deuxième cause de mortalité au Maroc, après les maladies cardiovasculaires. D’après les statistiques du ministère de la santé et de la protection sociale, les cancers les plus répandus dans le pays sont le cancer du sein, du col de l’utérus, du poumon et du colon. Chez l’homme, le cancer le plus fréquent est celui du poumon, représentant 23% des cas enregistrés, suivi de la prostate avec une proportion de 12,6% et du cancer colorectal avec 7,9%. Chez les femmes, la localisation la plus fréquente du cancer est celle du sein avec une proportion de 35,8% devant le cancer du col de l’utérus avec une proportion de 11,2%, le cancer de la thyroïde puis celui du colo-rectum avec des proportions respectives de 8,6% et de 5,9%. Le diagnostic tardif reste l’un des principaux obstacles à une prise en charge efficace, d’où l’importance de la sensibilisation et du dépistage précoce».
Et de conclure : «Malgré les progrès réalisés, plusieurs défis persistent, notamment l’accessibilité des soins en zones rurales, le coût élevé des traitements et le besoin de renforcer la formation du personnel de santé. La collaboration entre l’État, les acteurs privés est essentielle pour améliorer la lutte contre cette maladie. La Journée nationale de lutte contre le cancer est une opportunité pour réaffirmer l’engagement de tous dans la prévention et la prise en charge du cancer. Chaque citoyen a un rôle à jouer, que ce soit en adoptant un mode de vie sain, en participant aux campagnes de sensibilisation ou en soutenant les personnes atteintes de cette maladie. Ensemble, nous pouvons faire reculer le cancer au Maroc».
«A l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le cancer, a noté Dr Abdenbi Halmaoui, pharmacien d’officine à Beni Mellal, il est essentiel de rappeler que cette bataille ne concerne pas uniquement les médecins et les spécialistes. Le pharmacien, en tant que professionnel de santé de proximité, a un rôle fondamental à jouer aux côtés des patients, des soignants et du grand public. Le cancer peut être évité dans 40% des cas grâce à la prévention».
Et de conclure : «Le pharmacien, au contact quotidien des patients, sensibilise et informe sur les facteurs de risque : tabac, alcool, mauvaise alimentation, sédentarité, exposition excessive au soleil, l’importance du dépistage précoce, les bons réflexes de prévention, le soutien indispensable pendant le traitement… En tant que pharmacien, nous avons le devoir de renforcer notre collaboration avec les médecins, infirmiers et autres soignants pour offrir une prise en charge globale et humaine aux patients. En cette journée mondiale, rappelons l’importance du dépistage et de la prévention. Ensemble, mobilisons-nous contre le cancer !».