Une nouvelle publication de Policy Center for the New South présente une analyse du travail «invisible» de la femme en mettant l’accent sur le travail domestique. L’évaluation de ce travail non rémunéré et sa comptabilisation au PIB rendraient visible la contribution des femmes à la société.

Une nouvelle analyse de Policy Center s’est intéressée au travail invisible des femmes. Ce Policy Paper élaboré par Larabi Jaïdi signale que l’évaluation du travail invisible des femmes et sa comptabilisation au PIB rendraient visible la contribution des femmes à la société. Chaque jour, en moyenne, les femmes marocaines consacrent près de cinq heures à des tâches domestiques (cuisine, ménage, courses,soins aux enfants, etc.). Ce travail non rémunéré représente des services indispensables qui participent au bien-être matériel des personnes et des foyers sans pour autant apparaître dans la production nationale, telle que mesurée par le produit intérieur brut (PIB). Ainsi, l’auteur estime que comptabiliser le travail invisible non rémunéré c’est faire preuve d’équité envers les femmes qui assument majoritairement ce travail; reconnaître et valoriser les personnes qui l’effectuent car leur rôle est bénéfique et indispensable à toute la société ; rendre visible le travail non rémunéré en l’intégrant au PIB ; réduire la pauvreté des femmes en assurant la sécurité financière de celles qui effectuent du travail invisible à temps plein. L’auteur considère que pour permettre de reconnaître cette contribution à la société qu’est le travail invisible des femmes, il doit être mesuré, évalué et comptabilisé dans les comptes nationaux, comme s’y est engagé le Maroc dans le cadre des conférences internationales sur les femmes. Il s’agit ainsi de mesurer le travail non rémunéré grâce aux données obtenues par les recensements et les enquêtes sociales générales sur l’emploi du temps ; d’évaluer le travail non rémunéré afin de connaître et reconnaître la valeur de cette contribution chaque année au même titre que celle de l’économie marchande; de comptabiliser le travail non rémunéré dans le PIB pour rendre visible cet apport essentiel, principalement des femmes au pays. Par ailleurs, l’auteur juge que l’enquête du budget-temps devrait être réalisée à intervalle régulier, ce qui permettrait l’élaboration d’une base statistique rendant possible le suivi de l’évolution des comportements qualitatifs et de la structure de l’emploi du temps. L’établissement d’un compte satellite constitue aussi un moyen de donner une image plus complète de la production domestique et d’inclure le travail non rémunéré dans le PIB.

L’activité des femmes au foyer occultée par le système de comptabilité national
Le travail au foyer se caractérise par deux aspects, à savoir l’aspect privé qui englobe la production domestique de biens et services entre personnes autonomes : entretien du foyer, préparation des repas, courses et l’’aspect social qui englobe le rôle parental auprès des enfants : les éduquer, veiller à leur entretien et leur santé, en prendre soin au quotidien, faire le suivi des travaux scolaires… La valeur ajoutée générée par ces activités de service réalisées en grande partie par la femme dans le foyer domestique n’est pas prise en compte dans les agrégats macroéconomiques classiques. Dans cette analyse, l’auteur fait remarquer que le fait que l’activité des femmes à la maison n’est pas enregistrée dans la production des comptes nationaux pose des problèmes à l’analyse et la comptabilité économique. Elle fait apparaître les femmes à la maison comme non productives statistiquement (elles ne font d’ailleurs pas partie de la population active) alors que toutes les enquêtes «emploi du temps» montrent que le temps consacré par les femmes aux tâches domestiques est du même ordre de grandeur que le temps de travail rémunéré à l’extérieur. La prise en compte d’activités domestiques productives principalement réalisées par des femmes dans les futures révisions du système de comptabilité nationale aurait incontestablement une forte incidence sur la mesure de la contribution féminine au développement national.

Enquêtes budget-temps : Un outil primordial pour mesurer le travail «invisible» des femmes
Les enquêtes budget-temps sont primordiales pour mesurer le travail non rémunéré «invisible» des femmes. Au Maroc, deux enquêtes sur l’emploi du temps ont été effectuées en 1999 et en 2012 par le Haut-Commissariat au Plan (HCP). Ces enquêtes mesurent la production réalisée au sein des ménages, mais elles procurent d’autres renseignements précieux, à savoir l’évolution de l’organisation de la durée du travail, les facteurs qui influent sur l’activité, les modalités et les responsabilités du travail domestique ainsi que toutes informations qui permettent d’avoir une idée de l’apport économique réel de la femme. Il est à noter que l’enquête de 2012 du HCP a souligné l’asymétrie de la distribution du temps de travail selon le sexe. Les femmes assument l’essentiel des activités, peu ou pas rémunérées et faiblement reconnues socialement. L’enquête du HCP avait révélé que les activités professionnelles sont d’abord masculines. L’homme leur consacre 4 fois plus de temps que la femme (5h25mn contre 1h21mn). L’écart entre les moyennes masculine et féminine renvoie à l’accès limité des femmes au marché du travail et à la prépondérance du statut professionnel « Aide-familiale» dans les activités qu’elles occupent quand elles sont actives occupées. Par ailleurs, les femmes consacrent 7 fois plus de temps que les hommes aux activités domestiques. 95% des femmes contribuent aux activités domestiques leur consacrent 5heures en moyenne par jour, les tâches strictement ménagères (cuisine, lessive, ménage, rangement, etc.) mobilisent 4h33mn de la journée des femmes. Les activités connexes exercées à l’extérieur du domicile (courses, règlement de facture, procédures administratives, etc.) en mobilisent 27mn et sont exécutées en particulier par des femmes chefs de ménages. De leur côté, 45% des hommes consacrent en moyenne 43mn par jour au travail domestique, Ce sont, en particulier, des hommes divorcés (43 %), ou veufs (23 %). En somme, l’homme consacre 4 fois plus de temps au travail professionnel et 7 fois moins de temps au travail domestique que la femme. Signalons qu’au cours de la période 1997-2012, l’emploi du temps de la femme marocaine a connu des évolutions significatives. Selon les données du HCP, les femmes actives occupées travaillent 2h44mn de plus et consacrent 1h01mn de moins aux tâches domestiques. En milieu rural, elles travaillent 28 mn de plus et consacrent 19mn de moins au travail domestique. Dans ce cadre, le temps professionnel de la femme salariée est passé de 3h38mn à 5h39 mn, celui de l’«Aide-familiale» de 3h12mn à 3h43mn.