A travers son initiative « Act For AgWater », Agriedge contribue à la transformation de l’agriculture marocaine pour assurer la souveraineté alimentaire et la compétitivité du secteur agricole. Cette initiative écosystèmique s’appuie en effet sur les nouvelles technologies pour contribuer à l’optimisation de l’eau dans la production agricole. Faissal Sehbaoui, directeur général de Agiredge, revient dans cet entretien sur les composantes de cette initiative et des objectifs escomptés.

ALM : Dans un contexte de stress hydrique croissant au Maroc, comment l’initiative « Act for AgWater » s’inscrit-elle dans la lutte contre le changement climatique et la sécurité alimentaire nationale ?
Faissal Sehbaoui : Comme vous le savez, les précipitations au Maroc ont atteint un déficit significatif estimé à 60 % durant les trois dernières années. Ce constat nécessite une forte mobilisation pour une forte optimisation des ressources hydriques, notamment en agriculture. L’initiative «Act for AgWater» vise à s’appuyer sur les nouvelles technologies pour contribuer à cette optimisation de l’eau qui doit être faite à tous les niveaux et par tous les moyens innovants. Il s’agit d’une initiative écosystémique co-développée avec nos partenaires intégrant 5 composantes, la première est en lien avec la vulgarisation des nouvelles technologies pour l’optimisation de l’eau au niveau des fermes, la deuxième est en lien avec la formation sur les nouvelles technologies pour les gérants de fermes, la troisième envisage la mobilisation des startups pour créer des outils basés sur les nouvelles technologies pour l’optimisation de l’eau en agriculture, la quatrième envisage la mobilisation des chercheurs pour maximiser l’impact des nouvelles technologies et la dernière consiste à développer une nouvelle plateforme appelée AgWater Edge pour assurer une comptabilité précise sur la consommation de l’eau de la ferme tout en permettant à l’agriculteur de faire des simulations pour optimiser la productivité de cette eau au niveau de sa ferme. En atteignant l’ensemble de ces objectifs, cette initiative permettra d’économiser 30 % d’eau au niveau de 150.000 ha tout en améliorant le rendement de cette superficie contribuant ainsi à augmenter la productivité de l’eau disponible permettant de produire plus en utilisant moins de ressources hydriques.

Comme vous l’avez souligné, la plateforme « AgWater Edge » va gérer l’eau sur 150.000 hectares. Comment AgriEdge assure-t-elle que ces innovations seront accessibles à l’ensemble des agriculteurs, y compris les plus petits ?
En effet, cette nouvelle plateforme digitale, dédiée à créer un concept de «comptabilité de l’eau dans une ferme agricole», va couvrir 150.000 hectares, soit presque 10 % de nos terres arables irriguées. Pour assurer le déploiement de cette plateforme innovante, nous suivons, comme ce que AgriEdge a la coutume de faire, une approche écosystémique intégrant vulgarisation, formation, R&D et innovation pour toucher tout type de ferme agricole tenant compte de sa superficie et de la culture produite. Pour le cas de AgWater Edge, elle sera appuyée par toutes les autres composantes de l’initiative « Act For AgWater ». Des sessions de vulgarisation en partenariat avec des associations professionnelles et des distributeurs d’intrants sont prévues dans toutes les régions du pays, des sessions de formation sont également au programme, à travers un certificat exécutif en collaboration avec la formation exécutive de l’UM6P. Ces sessions sont destinées aux gérants de fermes. En faisant ainsi, on assurera une accessibilité à cette plateforme innovante et aux nouvelles technologies pour tous les agriculteurs au Maroc en ligne avec notre mission de rendre l’AgriTech accessible au plus grand nombre d’agriculteurs possible.

Quels sont les principaux obstacles à l’adoption des nouvelles technologies agricoles au Maroc et comment « Act for AgWater » compte-t-elle surmonter ces freins ?
En ayant une forte connexion avec nos agriculteurs, Il n’est pas évident de mettre le doigt sur un nombre d’obstacles mais peut-être que c’est la combinaison de plusieurs facteurs qui crée des obstacles. Durant notre Caravane AgriTech que nous avons lancée il y a deux années, nous cherchions en effet quel obstacle pour l’adoption des nouvelles technologies, est-ce le prix ? Est-ce la formation ? afin de proposer des pistes. On a constaté que le principal obstacle est la confiance dans les nouvelles technologies et des expériences précédentes non réussies. Sur cette base nous avons travaillé avec les agriculteurs afin d’établir la confiance dans les nouvelles technologies et investigué les raisons de l’échec des expériences précédentes afin d’apprendre comment les éviter.
Act for AgWater compte d’abord établir une bonne compréhension chez les agriculteurs de comment les nouvelles technologies peuvent optimiser l’eau en agriculture et comment identifier et choisir celles qui sont adaptées avec sa réalité. Ainsi nous nous appuyons sur la démonstration des expériences chez les agriculteurs avec qui nous avons déjà travaillé afin d’établir ce lien de confiance, qui est d’ailleurs nécessaire pour l’adoption de toute nouveauté en agriculture, technologique ou autre.

En formant 10.000 agriculteurs à travers ce programme, comment AgriEdge garantit-elle que ces formations conduisent à une réelle transformation sur le terrain en matière de gestion de l’eau ?
Nous comptons juste contribuer dans cette transformation qui est devenue aujourd’hui une nécessité vitale pour assurer notre souveraineté alimentaire et la compétitivité de notre secteur agricole. La réelle transformation sera le résultat de la somme de toutes les initiatives et les programmes lancés dans cet objectif par l’ensemble de l’écosystème agricole. A notre niveau, nous savons que les nouvelles technologies réalisent sur le terrain chez des agriculteurs marocains que nous accompagnons aujourd’hui via notre plateforme AquaEdge des économies atteignant 30 %. Notre objectif via l’initiative «Act for AgWater» c’est de faire bénéficier les 10.000 agriculteurs formés de la possibilité de réaliser les mêmes niveaux d’économie pour, à échelle individuel, une compétitivité meilleure et pour, à échelle macro, préserver les ressources hydriques utilisées en agriculture dans notre pays.

Comment AgriEdge collabore-t-elle avec les autorités marocaines et les acteurs locaux pour garantir l’impact durable du programme « Act for AgWater » ?
La collaboration commence de la conception jusqu’au déploiement pour garantir l’adaptabilité de l’initiative «Act For AgWater» avec les contraintes terrains de chacune des régions du Royaume. Pour la conception, nous avons organisé des ateliers de concertation avec des acteurs régionaux qui ont fortement alimenté les composantes de chacune des initiatives. Pour le déploiement qui va démarrer au même temps que le démarrage officiel de la saison agricole, il sera effectué avec ces acteurs locaux pour assurer un portage régional de l’initiative et surtout son déploiement efficace pour créer l’impact attendu.