Le recensement général de la population conduit par le Haut-Commissariat au Plan, dont Chakib Benmoussa est désormais le Haut-Commissaire, est une radiographie de l’état de notre pays et de nos concitoyens marocains. L’exercice est fastidieux et requiert de la rigueur pour produire avec exhaustivité cette cartographie démographique, sociale et économique du Royaume. Mais, à l’ère de la Data, les données compilées et traitées par le HCP sont cruciales pour qui veut comprendre les changements structurels que connait le Maroc et comment sa population en est impactée.

Ce ne sera certainement pas le chiffre le plus commenté, mais c’est une des raisons d’être de ce type d’enquêtes nationales, entre 2014 et 2024, la population a augmenté avec un taux d’accroissement annuel moyen de 0,85 %, en baisse par rapport à la période 2004-2014 où il s’établissait à 1,25 %. Plus précisément, l’Indice Synthétique de la Fécondité (ISF), exprimé en nombre moyen d’enfants par femme, est passé de 2,5 en 2004 à 2,2 en 2014, pour atteindre 1,97 en 2024. Ce niveau de fécondité est désormais inférieur au seuil de remplacement des générations, qui est de 2,1 enfants par femme.

Et, la tendance à la baisse de la fécondité concerne à la fois les femmes urbaines et rurales, avec un ISF par femme en milieu urbain de 1,77 en 2024 contre 2,01 en 2014, et de 2,37 en 2024 contre 2,55 en 2014 en milieu rural. Les causes de cette baisse de la fécondité sont intimement liées au développement du pays, à une participation accrue de la Femme marocaine à la vie économique nationale et à un changement des priorités familiales dans un contexte économique qui n’est pas flamboyant pour les ménages, malgré les avancées indéniables de ces 25 dernières années. C’est cet état de fait qui devra être impacté dans la réforme à venir de la Moudawana, qui ne pourra pas faire l’impasse sur ce que les chiffres indiquent de l’état d’émancipation des femmes et le besoin de réévaluer la place qu’elles occupent autant que d’en garantir les droits les plus fondamentaux, acquis aux hommes.

Le vieillissement de la population est le second symptôme majeur relevé par ce recensement national très attendu. La part des Marocains âgés de plus de 60 ans est passée de 9,4% en 2014 à 13,8% en 2024 avec un accroissement annuel moyen de 4,6% pendant cette période, nettement supérieur à celui de l’ensemble de la population qui s’établit à 0,85%. Et, avec ces chiffres, c’est aussi une autre réforme qui vient forcément à l’esprit, celle du système de retraites national, qui connait une crise profonde et qui risque de devenir une écharde pour l’avenir si elle n’est pas menée à bon port rapidement. Il faudra également repenser graduellement mais sûrement, notre modèle de société, afin de garantir que nos ainés continuent d’être traités avec le respect et la dignité qu’ils méritent, en ligne avec nos valeurs et notre culture sociale, entourés par leurs proches, et sans reproduire aveuglément les modèles occidentaux où se sont multipliés les mouroirs spécialisés.

Autre point marquant de l’enquête du HCP, le taux de chômage qui au deuxième trimestre 2024 est de 13,1%, mais qui est bien plus élevé chez les jeunes âgés de 15 à 24 ans (36,1%), les diplômés (19,4%) et les femmes (17,7%). Ces chiffres témoignent du chemin restant à parcourir pour le Maroc qui n’est pas encore complètement sorti de l’oued. La dynamique économique en cours portée par l’industrialisation du pays, la croissance du tourisme, les investissements énergétiques ou infrastructurels, entre autres, doivent aussi être porteurs d’un développement plus inclusif, pour les jeunes et les femmes d’une part, le milieu rural d’autre part et les régions par ailleurs. Parce que c’est un seul Maroc et un seul peuple marocain qui doit aller de l’avant, pas seulement une cohorte, une élite, concentrée dans une région économiquement hypertrophiée par rapport au reste du pays.

 

Zouhair Yata

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