Maintenant que cela fait quelques jours que toutes les villes marocaines connaissent des manifestations de la GenZ et que les revendications sont plus claires, il est temps de prendre du recul pour évaluer comment nous pourrions sortir gagnants, en tant que nation, de cette situation.
Ce que révèlent au grand jour les revendications de la jeunesse c’est que c’est tout un système qui doit être réformé, en profondeur. Tous les acquis de notre pays ne valent rien si ses citoyens estiment qu’ils n’en bénéficient pas. Et, il faut regarder la vérité en face, ce qui se passe le soir, la violence inouïe qui transparait des actes d’une partie de la jeunesse, qui se cache derrière des cagoules, porte un nom, le désespoir. Quand bien même la santé et l’éducation étaient réformées, une partie de notre jeunesse est tellement désœuvrée qu’elle recourt à la violence comme langage d’expression, au détriment des forces de l’ordre à cette occasion, mais aussi plus globalement du reste de la société qui feint d’ignorer son existence. Il ne s’agit ni de cautionner ni de passer l’éponge, mais bel et bien d’intégrer toutes les hypothèses dans l’équation.
Aujourd’hui, le Maroc a une occasion historique de convertir cette colère qui s’exprime de deux manières radicalement opposées en force. Comment ? En reconnaissant d’abord l’échec de dizaines d’années de politique politicienne où les mêmes partis se passent le relais et le reprennent au gré des échéances électorales sans que la reddition des comptes, pourtant institutionnalisée dans la Constitution de notre pays en 2011 par Sa Majesté le Roi, ne soit réellement pratiquée. C’est le pain qui a nourri les contestations en cours. C’est parce que cette GenZ n’imagine pas pouvoir obtenir gain de cause autrement qu’elle est descendue dans la rue et qu’elle en appelle maintenant à l’autorité de notre Roi.
Puisqu’on se gargarise du développement du secteur privé, il est temps d’en emprunter a minima les bonnes pratiques et de les appliquer à la politique, non pas pour favoriser l’émergence d’une classe politique uniquement portée par les affaires, mais en plaçant la compétence et la performance au cœur de l’action politique.
Il est temps d’établir une corrélation réelle entre les compétences, les diplômes et les postes à responsabilité, du haut au bas de l’échelle de la gouvernance publique, à tous les niveaux. Car c’est bien la compétence, ou son absence en l’occurrence, qui fait défaut au-delà des moyens matériels. Des hôpitaux flambants neufs et des écoles repeintes ne serviront à rien sans les bonnes personnes pour les administrer au service des citoyens marocains.
Quant à la jeunesse, c’est un véritable « Plan Marshall » qu’il faut lui dédier car faut-il le rappeler, selon les données du HCP (le Haut-Commissariat au Plan), 1,5 million de jeunes sont des « NEET » qui n’ont ni en emploi, ni formation, ni éducation. Cela représente 1 jeune sur 4 dans notre pays, et les 3 autres sont à peine mieux lotis, 50% d’entre eux exercent un emploi en dessous de leur niveau de qualification et le taux de chômage de cette jeunesse affole les compteurs, 70% sont au chômage depuis plus d’un an. Comment est-on passé depuis autant d’années à côté de cette réalité ? Pourtant, les chants des supporters dans les stades de football l’expriment à tue-tête depuis longtemps, « fbladi delmouni ».
Pour qui développons-nous ce pays à coup de milliards d’investissements en infrastructures et autres si ce n’est pour eux ? Quel visage aura le pays dans quelques années avec ces jeunes devenus « adultes », ne serait-ce qu’en 2030 ?
L’emploi des jeunes doit être une priorité cardinale, avec des salaires qui permettent une certaine dignité, en relevant en priorité le fameux SMIG parce que personne ne vit dignement avec 3000 dirhams net par mois en 2025, pas même au Maroc où le coût de la vie lui, suit justement la partie du pays qui se développe le plus. Et si les plus petits des commerces, les TPEs marocaines, ne peuvent peut-être pas se permettre de valoriser leurs ressources, les autres entreprises le peuvent et cela ne fera que contribuer à leur développement, parce que cette argent injecté dans les poches des gens seront dépensés en consommation, mamelle de la croissance économique.
C’est un cercle vertueux plus qu’une réforme de la santé et de l’éducation qu’il faut enclencher et le Maroc en a le potentiel et les ressources, comme le démontrent tout ce qu’habituellement sert d’arguments positifs urbi et orbi, et nous a permis d’obtenir l’organisation de sésames aussi prestigieux que la CAN à venir ou la Coupe du Monde.
Si l’erreur est humaine, en connaissance de cause, maintenant que cette génération nous a donné la claque que nous méritions, persévérer dans le même sens serait effectivement diabolique.
Zouhair Yata
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