À l’occasion de ce numéro spécial dédié au parcours industriel du Maroc durant le règne du Roi Mohammed VI, La nouvelle Tribune a eu le privilège d’obtenir une interview exclusive avec M. Ryad Mezzour, Ministre de l’Industrie et du Commerce. Dans cet entretien, le ministre explicite pour nos lecteurs, les stratégies, les réalisations et les défis de la politique industrielle marocaine, ainsi que les perspectives d’avenir pour l’industrie du pays.

 

Monsieur le Ministre, merci de nous accorder cette interview. Pour commencer, pouvez-vous nous parler de l’évolution de la politique industrielle au Maroc ?

M. Ryad Mezzour, Ministre de l’Industrie et du Commerce du royaume du Maroc : Merci à vous pour l’opportunité de partager notre vision et nos progrès. La politique industrielle marocaine s’inscrit dans une continuité qui remonte à 25 ans, portée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Au fil des ans, nous avons ouvert notre économie à travers des accords de libre-échange, attirant ainsi des investisseurs étrangers. Cette ouverture a nécessité des investissements massifs dans les infrastructures et le renforcement des compétences locales pour s’adapter aux nouveaux métiers que nous avons décidés d’attirer.

Initialement, nous avons identifié six secteurs prioritaires que nous avons appelés les métiers mondiaux du Maroc : l’automobile, l’aéronautique, l’électronique, le textile, les industries de transformation et les technologies de l’information. Plus tard, ces secteurs ont été élargis à neuf pour inclure d’autres domaines stratégiques. Nous avons créé des conditions favorables pour attirer des opérateurs mondiaux dans ces secteurs, en mettant en place les infrastructures nécessaires, com-me les zones industrielles spécialisées et des écosystèmes de qualité pour soutenir ces industries.

Quel bilan en faites-vous ? Et pouvez vous nous présenter la nouvelle ère industrielle axée sur la souveraineté qui se prépare pour l’avenir ?

Aujourd’hui, l’industrie marocaine emploie un million de personnes, et 85 % de nos exportations de biens sont des produits transformés. Cela représente une évolution significative de notre économie. De plus, 50 % des investissements industriels ont été réalisés au cours des dix dernières années, ce qui témoigne de l’attractivité croissante du Maroc pour les investisseurs internationaux. Nous avons réussi à créer un environnement propice à l’industrialisation rapide et à attirer des locomotives industrielles qui ont tiré toute une chaîne de valeur.

En effet, la nouvelle ère industrielle, annoncée par Sa Majesté, met l’accent sur la souveraineté, tant comme moyen que comme finalité. Cela signifie que nous cherchons non seulement à renforcer notre indépendance économique en répondant de plus en plus à nos propres besoins pour être résilient en cas de crise. La pandémie de Covid-19 a été une leçon importante à cet égard, imposant la nécessité de compter sur nos propres ressources. Nous avons ainsi identifié des opportunités de substitution à l’importation, qui ont conduit à la création de la Banque de projets.

Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs, le fonctionnement et les objectifs de cette Banque de projets ?

La Banque de projets a été conçue pour identifier et développer des projets industriels qui peuvent remplacer les importations et créer de nouveaux emplois. Ainsi, nous avons analysé les 183 milliards de dirhams de produits importés, en excluant l’énergie et les produits agricoles de base, et avons identifié 34 milliards de dirhams de biens que nous pouvons produire localement de manière compétitive. De ce fait, notre ministère a procédé à une subdivision de ces opportunités en projets potentiels, que nous avons localisés et pour lesquels nous avons préparés des fiches de projets détaillées.

Cette banque de projets vise à créer 400 000 emplois, dont 162 000 directs et 244 000 indirects. En termes d’investissements, nous prévoyons pouvoir mobiliser 110 milliards de dirhams à travers ces projets qui devraient générer un chiffre d’affaires de 92 milliards de dirhams en substitution aux importations et 85 milliards de dirhams en exportations. Par ailleurs, ce qui est remarquable, c’est que 86 % du capital engagé dans ces projets sont marocains, ce qui montre la confiance des investisseurs locaux dans l’économie de leur pays.

M. Mezzour, de quels types de projets il s’agit? Comment le ministère de l’industrie accompagne-t-il cette initiative ?

Les projets en question, couvrent une large gamme de secteurs, y compris l’agroalimentaire, la chimie et para-chimie, le textile, la métallurgie, la plasturgie , les matériaux de construction, l’électronique, l’économie circulaire, le cuir, l’automobile, les énergies renouvelables et l’industrie navale.

Ces derniers sont  de toutes tailles, et sont portés par des grandes moyennes et petites voire toute petites entreprises. C’est cette diversité qui permet de créer un écosystème industriel dynamique et résilient.

 

Pour ce faire, nous offrons un accompagnement complet aux investisseurs qui va de l’identification des opportunités jusqu’à la réalisation des projets. Nous leur fournissons des pré-projets clés en main, avec des business modèles détaillés, et leur offrons un soutien administratif à travers une cellule intra-ministérielle dédiée.  Celle-ci est pilotée par le directeur général de l’industrie, et inclut des directeurs métiers et des délégués dans les différentes provinces pour assurer un suivi local des projets. Nous suivons donc, les investisseurs jusqu’au bout en nous battant pour créer de l’emploi et soutenir les entreprises marocaines.

Par ailleurs, en analysant les importations du Maroc, nous avons certes identifier les produits que nous pouvons produire localement de manière compétitive pour économiser 34 milliards de dirhams de biens importés. Mais en plus nous avons chercher à répondre à nos exigences en  nous assurant que ces projets aient une ambition internationale. Ainsi, 50 % de leurs productions sont exportés. Cela permet non seulement de répondre à la demande locale mais aussi de renforcer notre présence sur les marchés internationaux.

Je vous donne un exemple concret, celui du développement de l’industrie des semi-conducteurs;  au Maroc identifiée comme stratégique pour notre souveraineté industrielle. Nous avons commencer par mettre en place les infrastructures de pointe nécessaires pour attirer des investisseurs internationaux et développer ce secteur. De fait, ce projet permettra non seulement de répondre à la demande locale en semi-conducteurs mais aussi d’exporter ses produits vers les marchés internationaux, créant ainsi des emplois de qualité et augmentant la valeur ajoutée de notre économie.

M. le Ministre, quels sont les défis auxquels vous faites face pour atteindre ces objectifs ?

Les défis sont nombreux. Il s’agit d’obstacles administratifs, comme  par exemple la difficulté d’obtenir les autorisations nécessaires, de l’accès à l’électricité, qui peut retarder les projets etc… De plus, la conjoncture internationale qui se caractérise par une certaine  tendance au  protectionnisme, peut constituer un grand obstacle en soi et compliquer nos efforts pour attirer et maintenir des investissements. Nous  devons rester proactifs et travailler en étroite collaboration avec nos partenaires internationaux pour préserver et renforcer nos parts de marché.

Comment le ministère mesure-t-il l’impact de ces initiatives ?

Nous avons mis en place des mécanismes de suivi et d’évaluation rigoureux pour mesurer l’impact de nos initiatives. Chaque semaine, je reçois un tableau de bord avec les mises à jour des projets en cours, les investissements réalisés et les emplois créés. Nous utilisons également des indicateurs de performance clés pour évaluer l’efficacité de nos politiques et ajuster nos actions en conséquence. Enfin, nous travaillons en étroite collaboration avec les acteurs du secteur privé pour recueillir leurs retours et améliorer nos dispositifs d’accompagnement.

M. Le Ministre, êtes vous enthousiaste pour l’avenir  ?

Je suis très optimiste quant à l’avenir de l’industrie marocaine. Le ministère de l’industrie s’inscrit dans une  vison de montée en gamme par la création d’emplois de qualité et une appréciation de la valeur ajoutée de nos produits.  Le Maroc s’affirme de plus en plus comme un pays à meilleur coût, compétitif par la qualité. Ainsi, nous continuerons à attirer des investissements, à soutenir nos entreprises et à promouvoir l’innovation pour assurer une croissance durable et inclusive. Le Maroc offre un environnement propice aux affaires, avec des infrastructures de qualité, une main-d’œuvre qualifiée et une position géostratégique avantageuse. Avec des mesures d’accompagnement pour faciliter les investissements, nous nous efforçons de créer un environnement stable et attractif. Nous invitons les investisseurs à profiter des opportunités offertes par notre économie en pleine croissance et à contribuer ainsi à notre développement industriel.

Vous avez une nouvelle politique industrielle d’envergure dans le pipe quels en sont les objectifs à moyen terme pour l’industrie marocaine ?

En effet, nous cherchons à renforcer notre indépendance économique en développant des secteurs stratégiques pour réduire nos importations tout  en répondant à nos besoins internes. Nous visons également d’augmenter la valeur ajoutée de nos produits en investissant dans des secteurs à forte intensité technologique en mettant l’accent sur la création d’emplois de qualité pour améliorer les conditions de vie de nos concitoyens.

Notre objectif à long terme est de faire du Maroc un leader industriel en Afrique et dans le monde. Nous voulons créer une industrie diversifiée et compétitive, capable de répondre aux défis mondiaux et de saisir les opportunités offertes par les nouvelles technologies. Notre autre objectif repose sur l’amélioration des conditions de vie de nos citoyens en leur offrant des emplois de qualité bien rémunérés.

Propos recueillis par Afifa Dassouli

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