Le Cabinet Roche et Mameri groupe Exygene, composé de trois cabinets en France et au Maroc, est spécialisé dans les services financiers aux entreprises. M. Karim Mameri, associé expert-comptable, et M. Hakim Essadiq, associé dirigeant du réseau Maroc, ont récemment publié une étude approfondie du marché de la location meublée, en pleine mutation, à travers ses deux principales catégories, la Location de Courte Durée (LCD) et la Location de Longue Durée (LLD). L’étude met en lumière les cadres juridique et fiscal entourant ces activités, tout en exposant les défis et opportunités qu’elles représentent pour les propriétaires, qu’ils soient particuliers, personnes physiques ou personnes morales.
Deux modèles aux caractéristiques bien distinctes
La Location de Courte Durée : flexibilité et rentabilité
La Location de Courte Durée concerne des séjours inférieurs à un mois, principalement destinés aux voyageurs de loisir ou d’affaires. Ce type de location est régi par des textes spécifiques, notamment la loi N° 61-00 pour les établissements touristiques classés, la loi N° 80-14 et son décret d’application de 2023, pour les hébergements dits « alternatifs ». Cette dernière catégorie inclut les biens non classés comme les villas, appartements ou riads, souvent proposés sur des plateformes numériques telles qu’Airbnb.
La LCD offre une grande flexibilité grâce à des outils de gestion de tarifs dynamiques permettant d’adapter rapidement les prix en fonction de la demande et de la saisonnalité. Elle séduit de nombreux propriétaires par ses rendements élevés, notamment dans les zones touristiques à forte demande. Une occupation moyenne de seulement vingt nuitées par mois peut surpasser les revenus d’une LLD sur la même période. En outre, les propriétaires disposent de leur bien à certaines périodes de l’année, un avantage non négligeable.
Cependant, la gestion de la LCD est exigeante. Elle nécessite une attention quotidienne pour la gestion des réservations, l’accueil des locataires, l’entretien des lieux, et le respect des normes réglementaires. De nombreux propriétaires délèguent ces responsabilités à des agences de conciergerie, ce qui engendre des frais pouvant atteindre un tiers des revenus bruts annuels. En parallèle, les risques de co-responsabilité civile et pénale en cas de manquement aux règles ou de comportements des locataires posent un défi de taille.
La Location de Longue Durée : stabilité et simplicité
La Location de Longue Durée repose sur un contrat de bail formel, souvent pour une durée d’un an ou plus. Elle garantit une stabilité financière grâce à des revenus réguliers et des frais de gestion réduits. Ce type de location est encadré par le Code des Obligations et des Contrats (COC), qui impose un bail écrit mentionnant les termes essentiels : durée, loyer, préavis, état des lieux, entre autres.
La LLD attire les propriétaires recherchant des revenus réguliers sans les contraintes d’une gestion opérationnelle intense. En effet, l’usure du mobilier est moins importante, et les interactions avec les locataires sont moins fréquentes. Cependant, elle est souvent perçue comme moins lucrative à court terme, notamment dans les zones où la demande pour la LCD est forte. De plus, certains locataires, bénéficiant de la stabilité offerte par la LLD, peuvent contester ou retarder les paiements, rendant la gestion parfois plus complexe.
Fiscalité : des régimes distincts et des implications majeures
Fiscalité de la LCD
En matière fiscale, les revenus issus de la Location de Courte Durée sont considérés comme une activité commerciale. Les particuliers exploitant un bien sont soumis à l’Impôt sur le Revenu (IR), tandis que les personnes morales doivent s’acquitter de l’Impôt sur les Sociétés (IS). Concernant la TVA, les établissements classés bénéficient d’un taux réduit de 10 %, alors que les hébergements alternatifs non classés sont soumis au taux normal de 20 %. En outre, les propriétaires de biens en LCD doivent collecter une taxe de séjour pour chaque nuitée, sans pour autant percevoir la taxe de promotion touristique, laquelle est réservée aux établissements touristiques classés.
La gestion des obligations fiscales et sociales constitue une charge supplémentaire. Les propriétaires sont tenus de déclarer leurs revenus locatifs et, lorsqu’ils emploient du personnel, de les inscrire à la Sécurité Sociale. Ces formalités renforcent la conformité de l’activité, mais elles impliquent également des coûts supplémentaires pour les exploitants.
Fiscalité de la LLD
Pour la LLD, les revenus locatifs sont classés comme des revenus fonciers. Ceux-ci bénéficient d’un abattement forfaitaire de 40 % sur les loyers bruts, rendant ce régime fiscal relativement simple et avantageux. Les charges liées à l’entretien du bien et aux éventuelles réparations sont également moindres par rapport à la LCD, du fait d’une usure limitée du mobilier et des équipements.
Avantages et défis comparatifs
Selon l’étude du Cabinet Roche et Mameri, le choix entre la Location de Courte Durée et la Location de Longue Durée dépend des priorités et des capacités des propriétaires. La LLD séduit par sa simplicité et sa stabilité, particulièrement prisée des investisseurs à la recherche de revenus réguliers et pérennes. En revanche, la LCD, bien que plus exigeante en termes de gestion, offre des rendements souvent supérieurs. Toutefois, elle expose les propriétaires à des coûts d’exploitation élevés, une usure accrue des biens et des responsabilités civiles et pénales supplémentaires.
Vers une régulation plus structurée
L’étude met en avant la nécessité d’une régulation claire et stricte pour encadrer le secteur de la location meublée, en particulier pour la LCD. Une réglementation équilibrée pourrait inclure une fiscalité incitative semblable au modèle de la Location Meublée Non Professionnelle (LMNP) en France. Cette approche viserait à encourager la déclaration complète des revenus tout en offrant des avantages fiscaux attractifs.
Ce cadre réglementaire permettrait également d’améliorer la qualité des services offerts aux locataires, de lutter contre le phénomène des « lits froids » dans les zones touristiques et de promouvoir une utilisation optimale du parc immobilier. En favorisant la formalisation des emplois liés à l’entretien et à la gestion des biens, le Maroc pourrait renforcer son offre d’hébergement touristique tout en augmentant ses recettes fiscales.
En conclusion, bien que la Location de Courte Durée et la Location de Longue Durée répondent à des besoins distincts, leur développement harmonieux dépendra d’une approche réglementaire claire et rigoureuse. En structurant ces secteurs de manière cohérente, le Maroc pourrait non seulement répondre à la demande croissante des voyageurs, mais également renforcer sa compétitivité sur la scène touristique internationale.
Selim Benabdelkhalek (avec étude du Cabinet Roche et Mameri)
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