Alors, quels seront les fruits du chantier après six mois de débats publics intenses ? Quelles en seront les principales nouveautés ? La texture finale sera-t-elle moderniste, conservatrice ou tout simplement dans la droite lignée d’Imarat Al Mouminine ? Quels sont les principaux volets, notamment ceux qui divisent, qui ont été retenus ? Le nouveau code sera-t-il consensuel ou contiendra-t-il une bonne dose d’audace ?
Samedi 30 mars, les propositions de l’Instance Chargée de la Révision du Code de la Famille ont été remises au Chef du Gouvernement Aziz Akhannouch en vue de les soumettre à l’appréciation du Souverain.
A cet effet, le patron de l’Exécutif a indiqué avoir reçu les membres de l’Instance après avoir achevé ses missions dans les délais fixes, précisant que celle-ci stance a travaillé selon une approche participative élargie à travers l’organisation de séances d’audition des différents acteurs des organisations de la société civile œuvrant dans le domaine de la femme, de l’enfance, des Droits de l’Homme, ainsi que des partis politiques, des centrales syndicales, des magistrats, des acteurs, des chercheurs, des académiciens et des établissements et départements ministériels.
En tout et avant d’atteindre cette étape finale, l’instance a tenu 130 séances au cours desquelles elle a auditionné le plus grand nombre possible d’acteurs de la société civile (institutions publiques, ONG, partis politiques, centrales syndicales, centres de recherche…), qui ont présenté leurs perceptions et propositions en la matière. L’instance a aussi tenu des réunions avec d’autres experts pour recueillir leurs avis et idées, notamment dans le domaine de la jurisprudence islamique et elle a examiné l’ensemble des propositions, recommandations et études qui lui ont été soumises au cours des différentes séances d’audition, ainsi qu’à travers des mémorandums écrits. L’Instance a reçu également des mémorandums via des courriels électroniques.
Il est important de rappeler que lors de ce périple, la mobilisation des féministes de tout bord a été bel et bien au rendez-vous, même si le ministre PAM de la Justice Ouahbi pense le contraire, estimant qu’il aurait souhaité plus de leur part pour une Moudawana moderne et progressiste ! Pourtant et en tant que membre de l’Instance, il n’avait pas, par respect à l’éthique du secret du travail de l’Instance, à faire ce genre de commentaires…
En attendant le feu vert royal, la prochaine Moudawana reste entourée de trois principales perceptions. La première est celle des féministes dont la principale revendication est une refonte globale du Code pour une législation loin de tout esprit patriarche, tout en rompant avec la notion de la Kiwama qui caractérise les rapports homme/femme dans le cadre conjugal et qui constitue la référence de base régissant de nombreuses lois, notamment le Code de la Famille, le code pénal, le code de l’état civil, le code de la nationalité et la loi de la kafala. La révision escomptée, à leur niveau, ne devrait pas se concerner uniquement le code de la famille, mais toutes les lois notamment celles contenues dans le code pénal, qui comporte plusieurs articles relatifs à la condition de la femme, en l’occurrence, l’avortement, la violence et les libertés individuelles, ou encore autres lois liées à l’adoption, l’état civil, l’héritage. En somme, une Moudawana civique parfaitement inscrite dans la logique des conventions internationales ratifiées par le Maroc en matière des Droits de l’Homme. Une Moudawana presque laïque… autrement dit et pour aller de l’avant, les féministes estiment que la levée de la sacralité du Fiqh sur la Moudawana est fondamentale.
Du côté du clan des conservateurs, notamment les islamistes du PJD ou encore une bonne partie des milieux religieux, la famille marocaine est une ligne rouge : « La famille marocaine vit depuis des siècles au rythme de ses principes islamiques et toute atteinte à ses valeurs religieuses, cela risque de la détruire », dit-on auprès de ces derniers pour qui « le code de la famille n’est pas à instrumentaliser à des fins idéologiques ou encore politico-politiciennes. Toucher aux constantes des valeurs islamiques de la famille marocaine, risque d’avoir un terrible impact sur la cohésion sociale ».
Du côté officiel, la position d’Imarat Al Mouminine ne relève guère de l’ambiguïté. Loin de là. Dès le début, le Souverain a bien voulu démontrer à tous qu’il n’est point question, en tant que Commandants des Croyants, de « halaliser le Haram ou haramiser le Halal ».
En somme et comme on le voit, on se demande toujours vers quel texte allons-nous pencher, compte tenu de cette multitude des zones rouges qui caractérise fortement la société marocaine. De là découle également la question de savoir jusqu’à où ira la réforme ? Toutefois, une chose est toutefois sûre, à savoir que la nouvelle sauce de la Moudawana risque d’être amère pour certains, pour ne pas dire pour beaucoup. De quel côté ? On le verra certainement très bientôt.
Hassan Zaatit
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