Au cours des derniers jours, le pays a vu émerger un mouvement porté par la jeunesse sous le nom de GenZ 212, qui se réclame de la Génération Z. Né en ligne et rapidement relayé dans la rue, ce collectif a surpris par sa capacité à mobiliser autour de revendications claires : améliorer l’éducation et la santé, lutter contre la corruption et promouvoir une justice sociale plus équitable.

Dans la rue, ces jeunes se sont distingués par leur énergie et leur détermination. Beaucoup ont été surpris par la maturité d’une génération souvent qualifiée, parfois avec condescendance, de « génération TikTok ». Les vidéos qui circulaient les deux premiers jours montrent des manifestants affirmant leurs revendications avec courage, parfois dans des situations tendues face aux forces de l’ordre. Cette mobilisation a révélé une jeunesse cultivée, consciente de ses droits et capable d’exprimer clairement ce qu’elle souhaite.

La gestion de ces rassemblements par la police soulève néanmoins des interrogations. Depuis des mois, les manifestations en soutien à Gaza se sont déroulées sans débordements notables. Or, cette fois-ci, la réaction a été immédiate : dès les premières minutes, les agents ont tenté de disperser les participants et d’interpeller ceux qui prenaient la parole devant micros et caméras, sous l’œil des téléphones qui filmaient. Dans l’une des vidéos largement partagées, on entend un policier déclarer à un jeune : « Nous ne vous voulons pas de mal, vous êtes comme nos enfants, mais vous êtes manipulés et vous ne le savez pas». Ces propos nous pousse à ce demander si les autorités disposent d’éléments concrets qui expliqueraient cette réaction inhabituelle et rapide.

Pourquoi une répression aussi immédiate alors qu’aucun débordement n’avait encore eu lieu ? Pourquoi prendre le risque de provoquer des tensions là où, habituellement, la retenue prévalait ? Le contraste avec la gestion des mobilisations précédentes laisse une impression de décision précipitée, voire contre-productive.

Parallèlement, une autre jeunesse s’exprime en ligne, avec un ton beaucoup plus radical. Si certains messages soutiennent la démarche citoyenne, beaucoup véhiculent des propos haineux, des appels à la violence ou au boycott d’événements sportifs comme la CAN, la Botola ou encore la Coupe du monde 2030, qui avec ce qui s’est passé hier, semble une illusion lointaine. On y trouve aussi des insultes visant ceux qui tentent de tempérer le débat, des invitations à reproduire ce qui s’est passé au Népal… À cela s’ajoute un élément troublant : en analysant les profils derrière certains discours extrêmes, on découvre des comptes récemment créés, avec peu ou pas d’activité, parfois géolocalisés hors du Maroc : États-Unis, Hong Kong, Japon… Ce constat soulève des interrogations légitimes : s’agit-il de jeunes Marocains exprimant leur colère, ou de comptes anonymes et extérieurs qui cherchent à influencer et à pousser le mouvement vers la violence, loin de ses revendications initiales et pacifiques ?

Les derniers développements de ce soir accentuent ces interrogations. Dans plusieurs régions, notamment à Oujda, Aït Melloul et Inzegane, des débordements ont éclaté : véhicules de police et de particuliers vandalisés, espaces publics détruits, scènes de chaos filmées et largement diffusées. Les profils des jeunes impliqués dans ces violences, souvent cagoulés et torse nu, ne ressemblent en rien à ceux qui avaient manifesté pacifiquement les jours précédents. Cette rupture soulève une inquiétude : ces actes sont-ils le prolongement des discours radicaux circulant en ligne, une tentative d’infiltration visant à discréditer le mouvement, ou bien l’expression d’une colère brute, détachée des revendications initiales de GenZ 212 ?

Ces jeunes cagoulés et violents ne sont pas porteurs de revendications, mais d’une rage destructrice qui brouille le message initial. Là où GenZ 212 avait incarné une voix d’espoir, d’autres jeunes apparaissent désormais comme les visages d’une colère aveugle et inquiétante.

Asmaa Loudni

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