Il fallait s’y attendre, la réforme de la Moudawana fait couler beaucoup d’encre et les réseaux sociaux regorgent de réactions franchement négatives. Si l’on peut se féliciter que le débat soit ouvert et que nos concitoyens y contribuent de manière directe grâce aux plateformes sociales, le premier constat que l’on peut faire sur cette phase dans laquelle est rentrée cette réforme, c’est que peu sont ceux qui sont prêts à se mouiller pour la défendre ou ne serait-ce qu’en expliquer la teneur et les mesures phares.

Depuis les fameuses consultations en amont des propositions formulées pour la réforme, exit les partis politiques, de gauche en particulier alors que la défense des droits humains est sensé faire partie des hautes priorités et des valeurs de ces partis ; seuls le PJD et son zaïm, pour qui ce débat est du pain béni pour réapparaitre dans la scène publique, montent au créneau ; mais exit aussi nos parlementaires, qui en dehors de l’hémicycle ne prennent aucune position ; exit aussi les intellectuels et la société civile qui semblent encore sous l’emprise de la torpeur des fêtes, des vacances et du froid. Le prétexte pour tous est que cette réforme est « royale » et qu’en conséquence elle aboutira d’une manière ou d’une autre.

Or, nous sommes bien loin d’un consensus national et d’une adhésion unanime de la population marocaine à cette réforme, en particulier du côté de la gent masculine. D’abord parce que pour les hommes marocains, ceux en tout cas qui s’expriment souvent avec une grande véhémence sur le sujet, le prisme de la femme est souvent inexistant. Et, à travers le leur, pour toutes les bonnes raisons du monde, de la religion qui a toujours bon dos à la tradition, rien ne justifie de céder du terrain, des droits ou de nouveaux acquis aux femmes à leur détriment. Bien que le bon sens veuille que cela ne nous étonne pas plus que cela, parce que l’histoire ne regorge pas vraiment d’oppresseurs ayant volontairement libéré ceux qu’ils oppressaient, il est important de prendre la mesure de l’opposition réelle à la réforme pour en garantir un éventuel succès si elle était adoptée.

Si aux États-Unis, la masculinité positive semble revenir en force au-devant de la scène après des années de discrimination positive envers les femmes notamment, le Maroc n’est pas du tout dans ce cas de figure. Chez nous, pas de wokisme au programme, le machisme a encore de beaux jours devant lui tant la structure patriarcale est ancrée par l’éducation et les mœurs dans les esprits de certains de nos hommes. Il ne s’agit même pas d’une lutte idéologique entre classes sociales.

Des plus riches aux plus pauvres, beaucoup d’hommes ne céderont pas un iota de leur pouvoir sous prétexte que le Maroc avance, que les femmes méritent plus de protection pour ce qu’elles sont, des membres à part entière de notre société à laquelle elles contribuent ne serait-ce qu’en acceptant et avalant les couleuvres du quotidien que les hommes peuvent leur faire subir.

Alors face aux « macho macho men » qui ne veulent pas qu’on parle en leur nom, qui menacent de ne plus vouloir se marier ou qui n’ont cure des drames familiaux et des enfants traumatisés, des violences faites aux femmes ou des mariages des mineurs, il faut malgré tout de la pédagogie, des explications claires sur les enjeux réels de la réforme, mesure par mesure, peut-être même une intervention télévisée d’un ministre, des tribunes et des débats, des commentaires contradictoires, tout sauf l’indifférence.

Il faut absolument que les réticents, les véhéments, les récalcitrants, les épidermiques aux idées courtes, comprennent qu’il ne s’agit pas de les priver de quoi que ce soit, mais au contraire qu’alors que nous prenons de la hauteur en tant que peuple et que nation, protéger et émanciper la moitié de la population n’est pas un luxe, c’est une réalité et une nécessité.

 

Zouhair Yata

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