Le ministère de l’Industrie et du Commerce a accueilli vendredi 31 janvier une conférence intitulée « Marché boursier et secteur agroalimentaire marocains, un avenir de croissance et d’expansion ». Cet événement, organisé en partenariat avec la Bourse de Casablanca, la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM) et d’autres acteurs institutionnels et privés, a rassemblé de nombreux experts et opérateurs économiques afin de débattre des opportunités qu’offre le marché boursier pour le développement du secteur agroalimentaire.

L’objectif principal de cette conférence était d’examiner les moyens par lesquels le secteur agroalimentaire marocain peut tirer profit des opportunités offertes par la Bourse pour accélérer sa croissance et sa structuration. En effet, bien que l’agroalimentaire soit un pilier essentiel de l’économie nationale, les entreprises du secteur rencontrent encore d’importants défis en matière de financement et de compétitivité à l’international.

Une quête de financements

Mostapha Mellouk, ancien directeur des programmes de 2M, a ouvert la conférence en soulignant l’importance d’une meilleure synergie entre le marché financier et le secteur agroalimentaire. Selon lui, l’intérêt manifesté par les entreprises non cotées pour cette rencontre démontre un besoin réel d’accès à des financements adaptés.

Le ministre de l’Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, a pris la parole en insistant sur l’urgence d’accélérer la croissance du secteur agroalimentaire en facilitant l’accès aux capitaux. « Nous avons un secteur stratégique qui représente une part significative de notre économie nationale. Aujourd’hui, notre priorité est d’assurer que chaque entreprise, quelle que soit sa taille, puisse trouver des solutions de financement adaptées », a-t-il déclaré. Selon lui, l’augmentation des financements passera par une meilleure diversification des sources de capital, notamment en renforçant la présence du secteur sur la Bourse de Casablanca.

Il a également insisté sur la création d’emplois : « L’agroalimentaire doit être un moteur de croissance en matière d’emploi. Si nous parvenons à doubler la capacité de création d’entreprises dans ce domaine, nous répondrons en partie aux défis du chômage et de l’insertion des jeunes sur le marché du travail. »

Le secteur agroalimentaire représente plus de 25 % du PIB industriel du Maroc et emploie plus de 200 000 personnes. Malgré sa place centrale dans l’économie nationale, ce secteur reste largement sous-représenté en bourse. Les entreprises agroalimentaires rencontrent des difficultés pour financer leur croissance, notamment en raison des obstacles administratifs et des modes de financement traditionnels.

Nezha Hayat, présidente de l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC), a mis en avant les avancées réalisées en 2024 marquant une étape importante dans la modernisation des outils financiers. « Le marché boursier doit devenir un outil privilégié pour les entreprises du secteur agroalimentaire. Nous avons mis en place un cadre réglementaire modernisé, facilitant l’introduction en bourse des PME et offrant de nouvelles solutions de financement innovantes », a-t-elle affirmé.

Elle a également évoqué les résultats encourageants des réformes entreprises : « En 2024, le marché des capitaux a enregistré des levées de fonds record, avec plus de 7 milliards de dirhams mobilisés sur le marché boursier et des émissions obligataires en forte hausse. C’est la preuve que nous sommes sur la bonne voie et que l’intérêt pour ces mécanismes ne cesse de croître. »

Renforcer le rôle de la Bourse

De son côté, Chakib Alj, président de la CGEM, a souligné lors de son intervention la nécessité de renforcer le rôle de la Bourse de Casablanca pour qu’elle reflète pleinement les ambitions économiques du Maroc. Il a rappelé que, malgré la transition industrielle que le pays a connue ces vingt dernières années, la bourse reste sous-exploitée. « La Bourse de Casablanca ne reflète pas les ambitions des opérateurs », a-t-il déclaré, insistant sur le besoin d’attirer davantage d’entreprises, en particulier celles du secteur agroalimentaire.

Il a mis en avant l’importance du secteur, qui représente 25 % du PIB industriel, et regretté que « les petites et grandes entreprises ne sont pas présentes, ou en tout cas très rarement présentes dans la bourse ». Il a également partagé sa conviction personnelle quant à l’introduction en bourse de certaines entreprises de son propre groupe, affirmant : « Je suis convaincu du fait que je dois introduire en bourse des sociétés de mon groupe. »

M. Alj a insisté sur la nécessité d’une diversification des sources de financement, citant les exemples de Londres et des États-Unis, où les financements alternatifs représentent une part bien plus importante qu’au Maroc. « Le secteur banquier ne peut plus supporter tout seul de financer notre économie », a-t-il affirmé, appelant à une plus grande implication des fonds d’investissement et à une réforme du climat des affaires.

Enfin, il a souligné l’importance de la digitalisation pour accélérer les processus administratifs et favoriser un environnement économique plus compétitif. « La digitalisation de l’administration est impérative, il faut y aller très vite », a-t-il martelé. En conclusion, il a exprimé son optimisme quant à l’avenir du marché boursier marocain : « La bourse va refléter notre économie, et je pense qu’on est tous là, si on est là, c’est qu’on est convaincus que ça va se faire. »

Pour sa part, Abdelmounim El Eulj, président de la Fédération nationale de l’agroalimentaire (FENAGRI), a rappelé le rôle central que joue l’agro-industrie dans l’économie nationale, tant en matière de satisfaction des besoins alimentaires de la population que de création d’emplois et de valeur ajoutée. « Ce secteur est un pilier stratégique, garant de notre sécurité alimentaire et moteur de croissance », a-t-il affirmé. Cependant, il a souligné que pour maintenir et renforcer cette dynamique, un accès adéquat au financement est impératif. « Les entreprises, quelle que soit leur taille, doivent pouvoir bénéficier de financements suffisants et adaptés pour relever les défis du marché mondial et accélérer leur expansion », a-t-il insisté.

Un levier « essentiel »

Dans cette perspective, Abdelmounim El Eulj a mis en avant le rôle du marché boursier comme un levier essentiel pour structurer et développer le secteur. « La Bourse est un outil clé qui offre aux entreprises les ressources financières nécessaires, tout en les aidant à se structurer, innover et se projeter vers l’avenir », a-t-il expliqué. Il a ainsi salué les efforts de la Bourse de Casablanca pour fournir une plateforme adaptée aux entreprises locales, leur permettant d’accéder à de nouvelles opportunités de financement.

Il a conclu en espérant que cette conférence ouvrirait la voie à des solutions innovantes et durables pour dynamiser l’agro-industrie marocaine dans un contexte mondial en constante évolution.

De son côté, Hassan Sentissi El Idrissi, président de l’ASMEX et de la Fédération des Industries de transformation et de valorisation des produits de la pêche, a mis en avant l’importance stratégique du secteur halieutique pour l’économie marocaine. « Ce secteur n’est pas seulement un pilier de notre souveraineté alimentaire, il est également un levier clé pour l’industrialisation, l’emploi et la compétitivité du Maroc sur le plan international », a-t-il affirmé.

Il a souligné que l’industrie halieutique représente 35 % des exportations agroalimentaires du pays, avec un chiffre d’affaires dépassant les 30 milliards de dirhams à l’export et plus de 700 000 emplois directs et indirects. Toutefois, il a insisté sur le fait que le secteur doit encore exploiter pleinement son potentiel, notamment en matière d’aquaculture. « À l’échelle mondiale, l’aquaculture représente aujourd’hui 55 % de la production de produits de la mer, mais elle demeure encore largement sous-développée chez nous », a-t-il regretté.

L’amélioration des infrastructures et la modernisation de la flotte de pêche ont également été évoquées comme des priorités essentielles. « Le renouvellement de nos navires n’est plus une option, c’est une nécessité. Moderniser notre flotte, c’est améliorer notre efficacité, garantir une meilleure qualité des captures, réduire nos coûts énergétiques et assurer une pêche plus durable », a-t-il expliqué.

M. Sentissi El Idrissi a plaidé en faveur du renforcement de la transformation et de la valorisation des produits halieutiques, regrettant que trop de matières premières quittent le Maroc sous forme brute, privant l’économie nationale d’une valeur ajoutée considérable. « Il est impératif de développer une industrie de conditionnement performante et diversifiée, capable de répondre aux exigences des marchés internationaux », a-t-il insisté.

Concernant les défis financiers, il a souligné que les circuits traditionnels ne suffisent plus pour accompagner la modernisation du secteur. « L’accès au financement est un défi majeur pour nos industriels. Or, le circuit bancaire seul ne peut plus répondre aux besoins croissants de nos entreprises », a-t-il averti. C’est pourquoi il a mis en avant le rôle que peut jouer la Bourse de Casablanca dans cette transformation. « La Bourse ne se limite pas à un outil de financement, elle est aussi un facteur de structuration, de gouvernance et de transformation », a-t-il déclaré.

Il a ainsi appelé à une collaboration accrue entre les industriels du secteur, la Bourse de Casablanca et les institutions financières pour identifier les entreprises à fort potentiel et leur offrir des solutions adaptées. « Nous devons accompagner nos industriels dans cette transition, renforcer leur gouvernance et leur capacité de gestion financière afin qu’ils puissent pleinement tirer parti des opportunités offertes par le marché boursier », a-t-il ajouté.

En conclusion, il a exprimé son ambition de voir émerger des champions marocains à l’international. « Notre objectif est clair : positionner le Maroc comme un leader mondial des industries halieutiques. Pour cela, nous devons encourager l’innovation, faciliter l’accès aux financements et développer une industrie navale performante », a-t-il déclaré.

Cette conférence a mis en lumière l’impératif d’une transition vers des modes de financement plus diversifiés pour le secteur agroalimentaire marocain. Le marché boursier pourrait ainsi être un levier stratégique capable d’accompagner la croissance et l’expansion des entreprises, tout en contribuant à la dynamisation de l’économie nationale.

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