Les lumières brillent sur la baie, les ruelles s’animent et la ville revêt une ambiance unique. Pendant le mois sacré du Ramadhan, la capitale se transforme après la rupture du jeûne. Le silence de la journée laisse place, dès la tombée de la nuit, à une effervescence douce, où spiritualité et convivialité se mêlent harmonieusement.
Dans le quartier d’Hussein Dey, à deux pas de la mosquée, des files se forment pour les prières des tarawih. À l’intérieur, l’atmosphère est solennelle. Les fidèles, après avoir partagé le f’tour en famille, se retrouvent pour ces prières nocturnes, cherchant le recueillement. « C’est un moment de paix intérieure. Le Ramadhan nous rapproche de Dieu, mais aussi des autres », confie Hamza, 27 ans, qui vient prier ici chaque soir.
À la sortie de la mosquée, peu après 21h, les familles reprennent le chemin des rues illuminées. Les enfants courent autour de la place, des vendeurs ambulants proposent des fruits secs, des jouets lumineux, pendant que les parents s’offrent une balade digestive. La ville semble ne jamais vouloir dormir.
De la rue Didouche Mourad à la place des Martyrs, c’est une autre scène qui se joue. Les terrasses des cafés sont pleines à craquer. Les Algérois, jeunes et moins jeunes, viennent siroter un thé à la menthe ou déguster une part de kalb el louz encore tiède. Certains préfèrent l’ambiance plus feutrée des salons de thé, où l’on échange des discussions animées, parfois philosophiques, souvent légères.
« Après une longue journée de jeûne et de travail, on vient ici pour décompresser », explique Selma, 32 ans, venue avec ses amies. « C’est devenu une tradition. On sort après les tarawih, on se promène, on prend un café. C’est notre Ramadhan à nous ! »
Plus bas, dans le quartier commerçant de Bab El Oued, les boutiques restent ouvertes jusqu’à 3h, voire plus. Les vitrines brillent de mille feux et attirent les familles en quête de vêtements pour l’Aïd. Les enfants choisissent leurs tenues, tandis que les parents négocient les prix. « On profite de la fraîcheur de la nuit pour faire les emplettes. Dans la journée, c’est impensable avec la chaleur et le jeûne », raconte Aïcha, mère de trois enfants.
Même ambiance du marché Ferhat-Boussaad (ex-Meissonier), où les étals débordent de vêtements traditionnels, de chaussures, mais aussi de pâtisseries. Les commerçants sont ravis. « Le Ramadan est une période bénie pour nous. La nuit, il y a plus de monde que le jour », a confié Ali, vendeur de djellabas.
Un autre visage d’Alger
À Riadh El Feth, à l’Opéra d’Alger Boualem Bessaih, au Théâtre national algérien Mahieddine Bachtarzi (TNA), ainsi que dans les salles de cinéma de l’Office national de la culture et de l’information (ONCI), l’ambiance est animée une fois la nuit tombée. Après 22h, ces lieux culturels s’illuminent et accueillent un public nombreux, avide de détente et de découvertes artistiques. Les concerts de musique andalouse, chaâbi, raï, targui, kabyle, ainsi que de musiques spirituelles offrent une programmation riche et variée, attirant aussi bien les familles que les jeunes en quête de divertissement.
Installés sur les gradins, les spectateurs savourent ces instants culturels dans une atmosphère conviviale et détendue, où le plaisir d’écouter des artistes de talent se mêle à la fraîcheur agréable des nuits ramadanesques. Certains espaces culturels vont plus loin en organisant des lectures de poésie, des spectacles de contes, ou encore des projections de films en plein air, créant ainsi des lieux d’échanges et de partage accessibles à tous.
« C’est un autre visage d’Alger qu’on découvre pendant le Ramadhan », confie Nassim, un passionné de musique, émerveillé par cette effervescence nocturne. La ville s’offre, le temps d’un mois, comme une véritable scène à ciel ouvert, où traditions et modernité cohabitent dans une ambiance chaleureuse.
Le Ramadhan à Alger ne se vit pas uniquement dans la spiritualité et la privation, c’est aussi un mois d’échange, de sortie et de convivialité, où la nuit devient une parenthèse enchantée. Les Algérois redécouvrent leur ville autrement, illuminée et animée, jusqu’aux premières lueurs de l’aube, lorsque tout le monde rentre chez soi pour le shour, avant une nouvelle journée de jeûne.
À l’approche de l’heure du shour, les Algérois se laissent séduire par une ambiance conviviale et gourmande qui anime les rues de la capitale. Partout, des commerçants ambulants installent leurs étals de fortune, attirant les passants par les effluves alléchants de grillades, de brochettes épicées et de merguez dorées à point. La fumée qui s’élève doucement dans l’air frais de la nuit ramadanesque invite à une pause gourmande, où jeunes et moins jeunes se pressent pour savourer ces délices simples mais réconfortants avant la reprise du jeûne.
Non loin de là, d’autres étals proposent des sandwichs garnis, souvent improvisés mais généreux, à base de viande hachée, de poulet rôti ou encore de kefta, agrémentés de sauces piquantes ou d’harissa maison. Pour ceux qui préfèrent les douceurs, les tables débordent de pâtisseries traditionnelles : kelb el louz, moelleux et imbibé de miel parfumé, zlabia croustillante à souhait, makrout fondant et autres douceurs sucrées prisées durant le mois sacré.
Le tout est souvent accompagné d’un thé à la menthe brûlant, servi à la manière traditionnelle, dans de petits verres, ou encore d’un café noir corsé, histoire de prolonger un peu la veillée dans une ambiance détendue. Les familles, les groupes d’amis et même des inconnus partagent ces moments de convivialité sous les lampadaires ou sur les bancs des places publiques, profitant de la fraîcheur nocturne avant de regagner leurs foyers.
Ces scènes nocturnes, caractéristiques du Ramadhan à Alger, témoignent de l’esprit de communauté et de solidarité qui anime la ville, où le shour devient un moment à part entière, mêlant spiritualité et plaisirs simples.
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