Belcourt (Belouizdad) et du Clos Salembier (El-Madania) sont bien plus que de simples quartiers d’Alger. Ces lieux ont été, dès le début de la colonisation, des bastions de résistance et des creusets d’idées progressistes. Leur rôle dans la montée du nationalisme algérien est indéniable, non seulement comme espaces de mobilisation populaire, mais également comme viviers de leaders qui ont marqué l’histoire de la Révolution.

Le 11 décembre 1960 n’a pas été le fruit d’une manœuvre élaborée, mais l’expression sincère et puissante de la volonté d’un peuple soudé, qui s’est levé pour dire NON à la soumission, NON à l’injustice et NON à la spoliation de ses richesses, après plus d’un siècle de colonisation. Les événements ont débuté à Belcourt, rue Julienne, où, aux alentours de 10 heures, des affrontements d’une violence extrême opposent manifestants musulmans et européens (Pieds-Noirs), et des tirs contre les porteurs de drapeaux algériens. Des slogans résonnent dans les rues : « Vive le GPRA », « Abbas au pouvoir », « Lagaillarde au poteau ».

Vers 10h30, un groupe de manifestants algériens, brandissant le drapeau « vert et blanc avec le croissant et l’étoile rouges » confectionné sur place, descend de Diar El Mahçoul (Clos Salembier) en direction de Ruisseau (Anassers) et de Belcourt pour poursuivre les manifestations. En cours de route, de nouvelles foules se forment dans les quartiers voisins de Diar Es-Saâda, la Redoute et le Ravin de la Femme Sauvage. Des barricades sont érigées, tandis que la Radio-Alger diffuse en direct ces événements qui secouent la ville.

Dans les années 1960, Belcourt et Salembier étaient des quartiers populaires densément peuplés, marqués par la précarité mais aussi par une solidarité organique. Ces zones regroupaient des ouvriers, des artisans et des familles déplacées des campagnes par la violence de la France coloniale.

Ce brassage social, accentué par les discriminations et les privations imposées par le système colonial, a été un terreau fertile pour la naissance d’une conscience politique et nationale. Dans ces quartiers, la cause révolutionnaire a transcendé les clivages instaurés par le colonialisme, mais aussi par les structures traditionalistes. Hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, ont uni leurs voix et leurs forces pour revendiquer une Algérie libre et moderne.

 Le «Non» sans équivoque au «néocolianisme»

 Une caractéristique marquante des mobilisations dans ces quartiers était la participation active des femmes. Issues des zones ségréguées, elles se sont retrouvées aux premiers rangs des manifestations, accompagnées d’enfants, portant fièrement drapeaux et banderoles. Ce mouvement populaire incarnait une revendication d’une modernité libératrice, bien loin des caricatures rétrogrades souvent associées aux luttes des pays colonisés. Ces mobilisations avaient un double objectif : dénoncer l’oppression coloniale et affirmer une volonté collective de construire une nation moderne et indépendante.

C’est dans ces quartiers également qu’a eu lieu la réunion historique des 22 en juin 1954 à Clos-Salembier. Cette rencontre décisive a été le point de départ de l’organisation de la lutte armée, qui a culminé avec le déclenchement de la Révolution le 1er novembre 1954. Parmi les leaders présents, beaucoup étaient issus ou profondément liés à ces quartiers, tels que Larbi Ben M’hidi, Didouche Mourad, et plus tard, Ali la Pointe. Ces figures emblématiques, nourries par les aspirations et les souffrances de leur milieu, ont joué un rôle central dans la structuration de la Résistance.

Face à cette montée en puissance du nationalisme des Algériens, le général De Gaulle a tenté de maintenir l’emprise française sur l’Algérie à travers son projet de « troisième voie ». Ce plan, baptisé « Algérie algérienne », visait à instaurer un régime néocolonial en confiant le pouvoir à une élite algérienne inféodée à la France.

Lors de sa visite en Algérie, du 9 au 12 décembre 1960, De Gaulle espérait promouvoir ce projet tout en apaisant les tensions parmi les colons et les troupes. Cependant, ce plan a suscité une double révolte : d’un côté, celle des colons « ultras », organisés dans le Front de l’Algérie française (FAF), qui voyaient ce projet comme une trahison ; de l’autre, celle des Algériens, qui ont organisé les manifestations du 11 décembre 1960 pour rejeter clairement cette tentative de néocolonialisme.

Belcourt et Salembier, par leur histoire et leur rôle dans ces événements, restent des symboles intemporels de la Résistance et de la modernité révolutionnaire. Ces quartiers ont incarné la volonté populaire de briser les chaînes du colonialisme et de construire une Algérie libre, indépendante, et moderne. Ils rappellent aujourd’hui que l’unité et la mobilisation des classes populaires peuvent renverser les systèmes les plus oppressifs et ouvrir la voie à un avenir plus juste.

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