Après plusieurs semaines d’attente, le président français Emmanuel Macron a rompu, pour la première fois, le silence sur la crise avec l’Algérie. Acculé par sa droite, de plus en plus radicalisée, et par les courants extrémistes au sein même de son gouvernement, Macron semble se confiner dans un jeu d’équilibriste des plus risqués.  

Lors de sa visite au Portugal, il a évoqué succinctement plusieurs points qui empoisonnent les relations entre les deux pays : la question des ultimatums donné par son exécutif à l’Algérie sur la reprise des immigrés clandestins expulsés, l’accord de 1968, l’éventualité d’une amorce d’un dialogue avec Alger et enfin l’affaire de Boualem Sansal.

Cependant, l’affaire de cet écrivain algérien qui a obtenu il y a quelques mois la nationalité française semble être très importante pour le président Macron. Il a posé la condition de sa libération pour rétablir la confiance. « Je considère que c’est aussi un des éléments qu’il faut régler pour que la confiance soit pleinement rétablie », a-t-il dit, en qualifiant « d’arbitraire » la détention de l’écrivain, devenu icône de l’extrême droite française. Une déclaration qui ne peut être que méprisante pour la justice algérienne, considérée comme une ingérence de plus à une institution souveraine d’un pays souverain qui cherche à appliquer la loi à un citoyen possédant depuis toujours la nationalité algérienne.

Sur l’accord de 1968 que les courants radicaux et xénophobes en France réclament son abrogation, le président Macron a été au moins tranchant : « On ne va pas dénoncer de manière unilatérale les accords de 1968. Cela n’a aucun sens. Les accords dont on parle sont ceux de 1994 et nous avons engagé un travail avec le président Tebboune pour les moderniser et on le fera en bon ordre ». Sur ces accords, Macron dira qu’ils doivent être « pleinement respectés », reconnaissant que l’Algérie coopère dans ce domaine. « Les statistiques montrent qu’il y une coopération qui existe (entre les deux pays). Pour les accords de 1968, nous avons, avec le président Tebboune, même envisagés de les rouvrir et de les moderniser », a-t-il dit.

Par ailleurs, Macron a appelé l’Algérie au dialogue et à « réengager un travail » sur l’immigration. « Nous n’avancerons pas s’il n’y a pas un travail, on ne peut pas se parler par voie de presse, c’est ridicule, ça ne marche jamais comme cela », a-t-il dit, en mettant en garde contre les jeux politiques. « J’ai entendu les mots du président Tebboune, et je souhaite qu’un travail de fond soit réengagé au service de nos intérêts des uns et des autres, avec respect, engagement et exigence », a-t-il dit.

Avec ces petites clarifications et sur un ton ambigu à la recherche d’un apaisement aléatoire en raison des forces politiques dominantes qui l’entourent, le président français n’a pas vraiment pris une initiative forte, ni répondu directement aux déclarations du président algérien dans son dernier entretien à un quotidien français. Doublement otage, d’abord de ses propres contradictions et d’une situation qu’il a lui-même créée et provoqué et ensuite de ses nouveaux alliés politiques, Macron laisse planer encore le doute et ne fait qu’accentuer le malaise, même s’il a baissé le ton par rapport aux surenchères sécuritaires et migratoires de plusieurs de ses ministres.

Pour rappel, le ministère algérien des Affaires étrangères a réagi par deux fois à des propos provocateurs du Premier ministre français et de son chef de la diplomatie.

La première fois quand le ministre français des AE, Jean-Noël Barrot a décidé d’imposer des restrictions de circulation en France aux détenteurs de passeports diplomatiques algériens, pourtant réglementés par un accord bilatéral signé en 2013. Alger a réagi immédiatement en exprimant sa « « surprise » et son « étonnement » quant à cette annonce de « mesures de restriction de circulation et d’accès au territoire français prises à l’encontre de ressortissants algériens titulaires de documents de voyage spéciaux les exemptant de formalités de visas ».

Pour l’Algérie, cette décision a des conséquences incalculables sur la relation algéro-française. L’annonce de ces mesures dont l’Etat algérien « n’a pas été informé s’inscrit dans la longue liste des provocations, des intimidations et des menaces dirigées contre l’Algérie. Celles-ci sont de nul effet sur notre pays, qui n’y cédera pas. Toute mesure attentatoire à ses intérêts fera l’objet de mesures réciproques, strictes et immédiates ».

La seconde fois, en réponse aux déclarations du Premier ministre François Bayrou, Alger a indiqué qu’elle « rejette les ultimatums et les menaces, et appliquera une réciprocité « stricte et immédiate » à toutes les restrictions apportées aux mobilités par la France.

« L’Algérie n’a pris l’initiative d’aucune rupture et a laissé la partie française en assumer seule la responsabilité pleine et entière », précise un communiqué du MAE.  L’Algérie « s’est astreinte au calme, à la mesure et à la retenue. Ce faisant, elle n’avait pour objectif que d’exercer ses droits et d’assumer ses devoirs vis-à-vis de ses ressortissants vivant en France. Le droit français, les conventions bilatérales, le droit européen et le droit international sont tous du côté de l’Algérie, notamment en matière de protection consulaire de ses ressortissants », indique encore le communiqué.

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