Assis en cercle dans un espace offert par la bibliothèque principale de lecture publique Mohamed-Assami de Biskra, les enfants n'ont d'yeux que pour Mohamed-Laïd Hamada (le conteur en question) auquel ils sont accrochés aux lèvres, comme fascinés.
Affectueusement appelé "Ammou Hamada", le conteur puise à pleines brassées dans son imagination pour "sortir" des histoires de mythologie, d'animaux qui parlent, d'exploits chevaleresques et d'improbables prouesses de héros venus du fin fond des traditions populaires.
Au fil de son récit, "Ammou Hamada" ajuste ses gestes et ses mouvements aux péripéties de l'histoire qu'il narre et adapte le timbre de sa voix qui devient tantôt mystérieux, tantôt (presque) inaudible, avant d'être ponctué "d'envolées" d'éloquence que le jeune auditoire, impatient de connaître la fin du conte, semble apprécier tout particulièrement.
Le conteur choisit toujours ses histoires en fonction du public qu'il a face à lui. L'important, pour lui (comme l'expliquera Mohamed-Laïd Hamada), est d'accaparer l'attention de l'auditoire et la garder en éveil tout au long du récit. "Parfois, confie-t-il, mon jeune public est tellement plongé dans les détails d'une histoire qu'il se met à en imaginer l'épilogue. Cela se ressent à la petite déception perceptible lorsque la fin du récit n'est pas celle qu'il espérait, ou au bonheur qui se lit dans tous les yeux lorsque le bien triomphe du mal".
Le conteur souligne, dans un entretien accordé à l'APS, qu'il y a toujours une morale dans les histoires qu'il raconte, c'est pourquoi il s'évertue à utiliser un langage simple et un style dépouillé adaptés aux tout-petits.
Il soutient également que nombre des histoires absorbantes qu'il raconte, telles que "Le lion et Aïcha", "Le roi et le ver de terre" et la célèbre saga de Djeha contribuent toutes, selon lui, à "accroître le bagage linguistique de l'auditeur et à développer l'imagination des enfants".
Pour Mohamed-Laïd Hamada, "faire incarner des personnages en parlant à un public attentif procure un plaisir immense au conteur qui utilise ce moyen pour transmettre des valeurs, les yeux dans les yeux, loin des réseaux sociaux, et d'une manière différente de celle qui consiste à lire des pages de livres".
Même si le conteur "peut s'apparenter à un monologuiste, puisqu'il est le seul à parler, une sorte de dialogue s'instaure avec le public et cela se ressent, dit-il, à travers l'expression des visages, celle-ci traduisant, selon le cheminement du conte, l'étonnement, quelquefois la peur, l'amusement, le soulagement et – invariablement – le bonheur lorsque l'histoire est ponctuée d'un happy-end".
La raréfaction des conteurs, chantres d'une culture tombée en désuétude car "agressée" de toutes parts par les technologies d'aujourd'hui en matière de communication, a aussi provoqué le tarissement des espaces alloués à cette activité.
C'est pourquoi, la bibliothèque principale de lecture publique Mohamed-Assami a offert une précieuse solution à ce manque en mettant une de ses salles à la disposition du conteur et de son jeune et fidèle public.
Loin des séries télé, des salles de jeux et des réseaux sociaux, il existe encore, et vous voyez-bien que Mohamed-Laïd Hamada en est tout heureux, des enfants passionnés d'histoires extraordinaires et de héros fabuleux", souligne le directeur de la bibliothèque, Badreddine Masmoudi.
La bibliothèque, qui s'emploie à rassembler tous les genres littéraires et à attirer les créateurs et le public, tente, à travers l'espace dédié aux contes, de récupérer un pan important de la mémoire et de l'imaginaire populaires, bien au-delà du simple divertissement. L'enjeu est de préserver les valeurs morales telles que le courage, la loyauté et l'amour d'autrui, et de consolider les principes de l'identité nationale.