Entretien avec Kamel Ayadi, représentant de la fondation suisse Globethics et ancien ministre tunisien de la fonction publique, de la gouvernance et de la lutte contre la corruption

Dans cet entretien, Kamel Ayadi parle des impacts sociaux de l’intelligence artificielle à travers son intervention au panel organisé sous le thème «Intelligence artificielle et éthique : Façonner un avenir responsable», et ce dans le cadre du seizième Forum MEDays qui vient de prendre fin à Tanger.

ALM : Comment expliquez-vous le grand potentiel de l’intelligence artificielle (IA) à différents niveaux ?

Kamel Ayadi : L’IA offre un potentiel énorme avec diverses applications, pratiquement dans tous les pans de la vie, dans la santé, dans l’environnement, dans la productivité au sein de l’entreprise, dans la gestion des ressources humaines, dans l’apprentissage,… Aujourd’hui, il y a des applications qui aident par exemple les personnes en situation de handicap à augmenter leur capacité d’apprentissage, dont celui au niveau universitaire.

Est-ce qu’à votre avis l’IA peut aider au renforcement de la souveraineté et la résilience face à l’incertitude ?

Le sujet de souveraineté n’a jamais été aussi compliqué qu’il ne l’est de nos jours. L’une des raisons de cette complexité c’est qu’il n’y a pas un consensus international sur la régulation et l’encadrement de l’IA. Parce que d’un côté, les Etats-Unis sont pour une régulation minimale et pour stimuler l’innovation sur l’IA et d’un autre il y a la Chine, qui est pour une régularisation stricte étatique. Le monde est ouvert à tous les scénarios et tous les pays sont un peu perdus dans cette bipolarisation des deux géants qui se disputent l’hégémonie et la suprématie sur l’intelligence artificielle.

Comment peut-on évaluer les impacts sociaux de l’IA ?

Je commence par le premier contact entre l’IA et l’humanité à grande échelle. Nous avons vu comment les réseaux sociaux ont, au départ, fait beaucoup de promesses de faciliter la connexion entre les personnes, de créer des communautés, de nous mettre en contact avec nos amis, quel que soit l’endroit où l’on se trouve, nous favoriser l’accès à l’information, … Mais nous avons constaté qu’ils ont eu des effets collatéraux, entraînant des fake news et de la désinformation. Ils nous vendent le temps que nous passons en ligne, ils font tout afin de nous identifier et créer des profils pour nous donner l’information et la matière que nous souhaitons et pour nous y maintenir encore plus. Il en résulte l’apparition d’autres effets tels que l’addiction aux réseaux sociaux.

Quels sont les avantages de l’IA pour l’éducation et l’enseignement ?

L’IA offre un potentiel énorme pour l’éducation. Mais elle présente aussi des risques, en ayant recours à l’intelligence artificielle générative : le ChatGPT. Les étudiants ont tendance à l’utiliser d’une manière abusive, au lieu de réfléchir et de travailler. Il faut donc équilibrer l’utilisation de cette application, de ne pas s’en servir de manière abusive qui nous rend débiles et pauvres en savoir et en expertise.

Comment voyez-vous, avec le développement de l’IA, la vie des générations futures ?

Personne ne peut se hasarder à vous parler du futur des pays ou de l’humanité. Les générations futures ne nous ressembleront certainement pas. Elles auront tout à leur disposition, elles n’auront pas l’opportunité de cultiver leurs compétences et leur expertise. Parce qu’elles auront tout cela à portée de main.