A l’occasion du lancement du marché à terme, Madame Nezha Hayat, Présidente de l’Autorité marocaine du marché des capitaux détaille pour nos lecteurs dans cet entretien, les modalités de ce lancement et ses implications pour le développement du marché financier marocain.

Le Comité du marché des capitaux a approuvé le lancement du marché à terme, pouvez-vous expliquer à nos lecteurs en quoi consiste cette nouvelle étape de transformation du marché financier et en quoi elle est structurante pour ce dernier ?

Madame Nezha Hayat, Présidente de l’Autorité marocaine du marché des capitaux : En effet, le Comité du marché des capitaux lors de sa réunion du 12 novembre dernier, a validé le schéma de transformation de la Société Gestionnaire de la Bourse de Casablanca en Holding.

Ce schéma, s’inscrivant dans un objectif de modernisation des infrastructures de marché marocaines, conformément aux meilleurs standards internationaux, vise la mise en place d’une organisation de marché intégrée, favorisant les alignements stratégiques, les synergies, les économies d’échelle et la résilience des infrastructures.

Ainsi, cette nouvelle organisation se concrétisera, en plus de la transformation de la Société Gestionnaire de la Bourse de Casablanca en Holding, par la filialisation de l’activité du marché au comptant assurée aujourd’hui par cette société, l’opérationnalisation de la nouvelle Société Gestionnaire du Marché à Terme, concessionnaire de la gestion du marché à terme, qui sera détenue à 100% par la Holding,  l’opérationnalisation de la nouvelle Chambre de Compensation, concessionnaire de la gestion des activités de compensation des transactions réalisées sur le marché à terme, avec un schéma actionnarial mixte (Holding/Banques) et enfin une prise d’une participation significative de la Holding dans le capital social du dépositaire central Maroclear.

Nezha Hayat, Présidente de l’AMMC

Grace à cette nouvelle organisation, le Maroc entrera dans le cercle fermé des places financières disposant d’une infrastructure de marché intégrée, en mesure de jouer pleinement son rôle dans le financement de l’économie

S’agissant plus particulièrement du marché à terme, celui-ci permettra, d’une part, d’offrir aux acteurs du marché de nouveaux instruments innovants de couverture contre les risques de marché et d’autre part, d’améliorer la liquidité des instruments financiers au comptant. Il contribuera également au rayonnement international de la place financière marocaine et renforcera son positionnement régional et continental, permettant ainsi d’attirer plus d’investisseurs internationaux.

Cette avancée est d’autant plus importante dans le contexte actuel marqué par le lancement de plusieurs grands chantiers majeurs de transformation dont les ambitions requièrent de maintenir un rythme soutenu d’investissement public et privé dans divers secteurs de l’économie.

Le marché à terme en question portera-t-il sur des contrats dont les sous-jacents sont uniquement les actions et obligations ou aussi sur les matières premières entre autres ?

La loi n°42-12 relative au marché à terme d’instruments financiers a prévu la possibilité de mettre en place un large spectre d’instruments financiers à terme. En effet, trois grandes familles de produits sont prévues, à savoir les contrats à terme, les contrats optionnels et les contrats d’échange. Ces produits peuvent être structurés autour de toute une panoplie d’actifs sous-jacents, comme les actions, les indices, les taux d’intérêt, les devises ou même les matières premières.

Par ailleurs, d’un point de vue technique, les infrastructures IT de négociation sur le marché à terme et de compensation des transactions, mises en place par la Bourse de Casablanca sont multi-instruments et multi-devises et ont la capacité de traiter des produits avec tous les sous-jacents potentiels.

Toutefois, d’un point de vue pratique et en alignement avec les benchmarks internationaux et recommandations des instances de régulation internationales, nous avons opté pour un démarrage graduel de ce marché avec le lancement de produits relativement simples afin de tester l’appétit du marché et permettre aux acteurs du marché de bien prendre en compte les risques inhérents à ces activités avant de s’orienter vers des produits plus complexes.

A cet effet, et suite à une large concertation avec les acteurs potentiels de ce nouveau marché, il a été convenu de commencer par un contrat à terme portant sur l’indice MASI 20 de la Bourse de Casablanca.

En outre, en assurant un suivi rapproché des activités des acteurs du marché, nous serons en mesure d’identifier plus aisément les nouveaux besoins du marché et de lancer ainsi d’autres instruments plus sophistiqués, en prenant en considération certains critères comme la liquidité et le potentiel de développement de l’instrument concerné.

Sur le plan organisationnel et juridique, ce marché s’inspire-t-il d’un modèle en particulier, le londonien peut être, compte tenu de l’accord de partenariat de la Bourse avec le London Stock Exchange groupe, LSEG, Technologie ? 

La transformation de la Bourse de Casablanca en groupe intégrée avec la mise en place d’une Holding et la filialisation des infrastructures de marché de négociation, de compensation et de dénouement, s’inspire d’une tendance observée depuis plus d’une vingtaine d’années au niveau international et sur plusieurs places financières développées et émergentes et non d’un modèle de marché international en particulier.

Ainsi, convaincu de sa pertinence et de ses effets positifs en termes d’intégration et de synergies de l’infrastructure de marché financier, notre écosystème financier avait opté pour le choix de ce modèle de marché en 2016, à travers la mise en place d’une feuille de route ambitieuse portée par le cahier des charges de la concession de la gestion de la Bourse de Casablanca, et opérationnalisée aujourd’hui.

Les caractéristiques du marché marocain, petite liquidité, un volume traité faible, seront-elles corrigées par les opérations à terme, ou produits dérivés ?

Fondamentalement, la mise en place d’un instrument financier à terme apporte de la liquidité à l’actif sous-jacent et vice-versa, grâce aux arbitrages effectuées entre les deux produits, notamment dans le cadre de la couverture des expositions émanant du premier ou à l’occasion d’un décalage entre la valeur de l’instrument et la valeur du sous-jacent.

En effet, cette relation a des effets bénéfiques sur la profondeur du marché aussi bien pour l’instrument que pour l’actif sous-jacent. Ceci est constaté d’ailleurs au niveau des marchés internationaux qui ont procédé au lancement d’instruments financiers à terme, avec une hausse considérable des volumes traités sur les actifs sous-jacents conjugué à une hausse importante des volumes réalisés sur les instruments à terme..

S’agissant d’un marché et de produits relativement complexes, quelles sont les actions d’éducation financière et d’accompagnement que vous avez pu déployer en préparation de lancement de ce marché ?

D’une manière générale, l’AMMC entretient en permanence des échanges constructifs avec l’ensemble des acteurs du marché, à travers notamment la tenue de réunions régulières avec les entreprises de marché et les associations professionnelles, afin de partager les différentes informations et orientations, et s’enquérir particulièrement de leurs visions et besoins.

Concernant le lancement de ce nouveau marché, effectivement nous sommes conscients que les instruments financiers à terme sont des produits relativement complexes. Ainsi, il est important pour l’AMMC que les acteurs de ce marché, notamment les intermédiaires de marché et les clients finaux, assimilent et cernent ces produits, d’où le rôle essentiel de la sensibilisation et de l’éducation financière, comme composante essentielle au bon fonctionnement du marché.

C’est dans cet esprit que nous avons mené une série d’initiatives, notamment avec notre homologue la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), le régulateur américain des produits dérivés, qui nous a accompagné dans la mise en œuvre d’un programme de sensibilisation et de formation au profit des acteurs du marché. Nous avons ainsi organisé des ateliers de formation en présentiel et à distance avec des experts de la CFTC, conduit une visite de travail d’une délégation de l’écosystème financier marocain à New York pour échanger avec les régulateurs, bourses et opérateurs des marchés dérivés américain, ainsi que plusieurs rencontres techniques en faveur des futurs membres négociateurs et compensateurs de ce marché.

Nous considérons que l’éducation financière et la sensibilisation constituent un vrai facteur de succès pour ce nouveau marché, raison pour laquelle nous prévoyons d’élargir ces programmes à l’ensemble des parties prenantes du marché.

Propos recueillis par Afifa Dassouli

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