Le Conseil de Bank Al Maghrib tenu mardi 17 décembre a annoncé que « compte tenu de l’évolution de l’inflation à des niveaux en ligne avec l’objectif de stabilité des prix et au regard des fortes incertitudes qui entourent les perspectives à moyen terme notamment sur le plan international, le Conseil a décidé de réduire le taux directeur de 25 points de base à 2,50% ».

Cette décision rompt avec l’hésitation de la BCE de continuer à baisser son taux directeur pour relancer l’économie européenne en difficulté et celle de la FED qui sous la contrainte du changement de politique monétaire présagée par le président Trump risque de maintenir des taux élevés.  De fait, le Maroc n’est plus dans la situation de suivre la tendance des politiques monétaires adoptées par ces deux banques centrales maitresses de la régulation des économies occidentales qui impactent le Maroc. Et pour cause, le Maroc est en chantier !

Les stratégies d’accélération de l’investissement et la nouvelle politique industrielle pour une indépendance économique du pays, érigées par Sa Majesté et concrétisées par la charte d’investissement, le FM6I, fonds Mohamed VI pour l’investissement, sont aujourd’hui dans le feu de l’action. De même qu’une gestion active de la balance commerciale est déployée qui, en faisant un tri sur les importations et en lançant une production locale de certains produits, agit à la baisse sur les importations pour mettre en valeur les exportations du pays et améliorer ses soldes commercial et extérieur.

Cette stratégie d’investissements a pour objectif à termes, d’encourager les investissements privés pour qu’ils constituent deux tiers de l’enveloppe globale contre un tiers pour ceux publics. De plus, elle est déployée dans la perspective de la Coupe du Monde 2030, qui s’approche à grands pas et dont les chantiers, suivis de près par le Roi Mohammed VI qui a présidé début décembre un Conseil des ministres sur le sujet, vont mobiliser des investissements engagés qui se comptent en dizaines de milliards de dirhams.

La croissance économique du pays devrait en profiter rapidement comme en témoignent les chiffres annoncés par le gouverneur de la banque centrale en ces termes : « après un taux de 3,4% en 2023, la croissance économique devrait se limiter à 2,6% cette année, mais s’accélèrerait à 3,9% au cours des deux prochaines années. »

Dans ce contexte, en baissant son taux directeur d’un quart de point à 2,5%, Bank Al Maghrib contribue au soutien du financement bancaire prépondérant de ces investissements. En effet, la transmission de la baisse du taux directeur de BAM sur les taux des crédits bancaires est quasi immédiate parce que le taux de refinancement des banques auprès de la banque centrale baissant, il se répercute sur le coût du financement bancaire.

C’est ce qu’a expliqué M. Jouahri lors du point de presse qui a suivi la tenue du Conseil de BAM, affirmant qu’après la réduction du taux directeur opérée en juin dernier, les taux débiteurs ont accusé une baisse trimestrielle de 22 pb, recouvrant un recul de 25 pb pour les entreprises et une quasi-stabilité pour les particuliers. De même qu’à fin octobre, le crédit au secteur non financier a augmenté de 2,4%, avec des hausses de 2,7% pour les prêts aux entreprises publiques, de 1,5% pour ceux aux entreprises privées et de 1% pour ceux destinés aux ménages.

Tenant compte de ces évolutions, des prévisions de la croissance économique et des anticipations du système bancaire, le crédit au secteur non financier ressortirait en progression de 3,8% en 2024. Il poursuivrait son accélération avec des hausses de 4,2% en 2025 et de 5,5% en 2026. Ainsi, la croissance économique étant une priorité dans notre pays et le traditionnel financement bancaire étant fondamental pour son financement, la baisse du taux directeur devrait l’amplifier même si de nouveaux produits de financements dits innovants sont en développement, notamment ceux dits publics-privés qui resteront cependant réservés à des cas spécifiques.

Mais, la baisse du taux directeur en question n’a été possible que parce que le niveau de l’inflation s’est réduit à moins de 2% dans notre pays, taux représentant la cicle d’inflation de BAM mais aussi de la FED et de la BCE. Ce que M. le gouverneur Jouahri confirme en précisant que : « l’inflation évolue à des niveaux bas et terminerait l’année avec un taux moyen autour de 1%, après 6,1% enregistré en 2023. Elle devrait rester modérée, se situant à 2,4% en 2025 et à 1,8% en 2026. Sa composante sous-jacente reculerait de 5,6% en 2023 à 2,1% cette année, puis à 2% en 2025 et à 1,8% en 2026 ».

Rappelons que BAM avait procédé à une hausse de son taux directeur pour couvrir l’inflation qui s’est imposée suite de la guerre en Ukraine, à cause des problèmes de logistique de transports internationaux qui avaient créé un phénomène de rareté et engendré une inflation dans le monde occidental et au Maroc en conséquence.

Par ailleurs, pour financer le déficit budgétaire, le Trésor veille également à un assouplissement de la politique monétaire de BAM, parce qu’il se finance à plus de 80% sur le marché domestique où les taux d’intérêt baissent dans la foulée de la réduction du taux directeur. Sachant qu’à l’international sur le marché des capitaux, les meilleurs taux que le Maroc a obtenu tournent autour de 4%. Bien que selon M. Jouahri, « l’exécution budgétaire au titre des dix premiers mois de 2024 fait ressortir une amélioration de 13,6% des recettes ordinaires, portée notamment par la performance notable des rentrées fiscales. En parallèle, les dépenses globales ont augmenté de 7,4%, reflétant en particulier une augmentation des dépenses de biens et services et celles d’investissement.

Au regard de ces réalisations, des données de la Loi de Finances 2025 et de la programmation budgétaire triennale 2025-2027, ainsi que des projections macroéconomiques actualisées de BAM, le déficit budgétaire, hors produit de cession des participations de l’État, devrait se situer à 4,5% du PIB en 2024, avant de s’atténuer progressivement à 4,2% du PIB en 2025, puis à 3,9% en 2026.

L’endettement du Trésor devrait ainsi augmenter de 69,5% du PIB en 2023 à 70,5% en 2024, avant de revenir à 69,5% en 2025 et à 68,7% en 2026. Et, sa composante intérieure devrait s’établir à 53,1% du PIB en 2024, avant de baisser à 51,4% en 2025 et à 50,8% en 2026, soit 866,4 milliards de dirhams. Celle extérieure progresserait de 17,4% du PIB en 2024 à 18,1% en 2025 et se situerait à 18% en 2026, soit 307,2 milliards de dirhams ».

Cette stabilité des finances publiques étant le résultat de l’accélération de la croissance économique attendue qui sera le résultat d’investissements domestiques. C’est ce nouvel environnement économique qui fera prendre à notre banque centrale une nouvelle orientation de sa politique économique de plus en plus indépendante par rapport à celles des pays qui sont les principaux partenaires économiques de notre pays. Bank Al Maghrib prend un nouveau tournant de politique monétaire, sur la base de la dynamique de la situation économique nationale, c’est inédit et prometteur.

Afifa Dassouli

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