Le Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ) a annoncé, lors d’un point de presse à Salé, que l’enquête concernant la cellule terroriste, connue sous le nom de « les lions de la khilafa au Maghreb Al Aqsa », s’est étalée sur près d’une année. Ces investigations, menées en collaboration avec la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST), ont conduit à l’arrestation de 12 personnes dans plusieurs villes marocaines, dont Laâyoune, Casablanca, Fès, Taounate, Tanger, Azemmour, Guercif, Oulad Teima et Tamesna, en périphérie de Rabat.
Selon le directeur du BCIJ, Cherkaoui Habboub, les opérations de repérage, de fouilles et de perquisitions ont été réalisées sur la base d’informations précises permettant de déjouer un plan terroriste d’une extrême gravité. Ce plan, qui aurait été orchestré par un haut responsable de Daech dans la région du Sahel, identifié sous le nom d’« Abderrahmane Assahraoui », de nationalité libyenne, visait à cibler plusieurs sites stratégiques au Maroc.
Les investigations techniques préliminaires ont révélé que certains membres de la cellule, chargés de la coordination, détenaient des coordonnées GPS et des informations précises quant à l’emplacement d’une cache d’armes et de munitions. Cette cache aurait été localisée dans la province d’Errachidia, plus précisément sur la rive orientale de « Oued Guir » à « Tel Mzil», dans la commune de « Oued N’aam» à Boudnib, sur le tracé frontalier dans la région de l’Oriental.
Pour mener à bien cette opération, les services de sécurité ont dû déployer des moyens logistiques adaptés. La mobilisation d’unités cynophiles spécialisées dans la détection d’explosifs, ainsi que l’utilisation de dispositifs de détection de métaux et de substances suspectes, ont été combinées à l’emploi d’un système de balayage par rayons X. Ces moyens techniques ont permis, au cours d’un ratissage d’environ trois heures, de découvrir et de saisir une cargaison d’armes et de munitions dissimulée dans un lieu isolé, au pied du relief rocheux difficile d’accès.
Parmi les éléments saisis, M. Habboub a précisé que les forces de l’ordre ont mis la main sur des équipements et matériaux destinés à la préparation d’un projet terroriste imminent. Les objets retrouvés comprenaient :
Des expertises balistiques réalisées par l’Institut des sciences forensiques de la Sûreté nationale ont établi que ces armes, bien que fonctionnelles, avaient fait l’objet d’effacements des numéros de série et de modifications, notamment la coupe de canons, afin de dissimuler leur origine et de faciliter leur transport.
Les investigations ont également permis de déterminer que ces armes et équipements auraient été fournis et expédiés par un haut responsable de Daech opérant dans la région du Sahel. Ces informations, corroborées par des échanges avec des réseaux de contrebande, montrent que la cellule terroriste faisait partie d’un projet stratégique de la « wilaya de Daech au Sahel » visant à implanter une branche au Maroc.
Le démantèlement de cette cellule, intervenu peu de temps après la neutralisation d’une autre structure dénommée « les trois frères », met en évidence l’existence d’une double menace. D’une part, les groupes terroristes font appel à des influences externes pour le recrutement, l’endoctrinement idéologique et la coordination d’opérations, et d’autre part, ils intègrent des éléments locaux dans leur agenda expansionniste. M. Habboub a souligné que cette dynamique se traduit par la volonté affichée, à travers leurs plateformes de propagande, de cibler le Maroc, incitant leurs sympathisants à mener des actions de représailles contre des cibles locales et étrangères.
Le directeur du BCIJ a rappelé plusieurs exemples antérieurs, notamment la sortie médiatique d’Abdelmalek Droukdel, ancien émir d’Al-Qaïda au Maghreb islamique, ainsi que des communiqués émanant des organisations terroristes, qui mentionnent explicitement le Maroc comme cible. Ces rappels historiques, associés à l’implication de membres locaux dans les réseaux terroristes internationaux, illustrent la complexité et l’évolution des menaces actuelles.
Les profils des suspects arrêtés, dont l’âge varie de 18 à 40 ans, montrent une diversité de niveaux d’études – huit suspects ayant un niveau secondaire ou inférieur, trois avec un niveau primaire, et un seul ayant entamé des études universitaires. Du point de vue social, la majorité des personnes interpellées exercent des métiers modestes et occasionnels, avec seulement deux d’entre elles mariées et ayant des enfants. Ces éléments fournissent aux autorités des pistes pour comprendre les dynamiques de radicalisation au sein de groupes aux profils hétérogènes.
En évoquant les implications de cette opération, M. Habboub a souligné que le démantèlement de cette cellule confirme l’efficacité des services de sécurité marocains dans la lutte contre le terrorisme. Il a rappelé que, depuis plusieurs années, les autorités marocaines ont démantelé plus de 40 cellules ayant des liens directs avec des groupes terroristes actifs dans la région du Sahel et en Afrique subsaharienne. Certaines de ces cellules étaient spécialisées dans l’envoi de combattants marocains à l’étranger pour suivre des formations paramilitaires avant de revenir sur le territoire national pour mener des actions terroristes.
Le directeur du BCIJ a insisté sur le fait que cette opération, en plus de neutraliser un projet terroriste, envoie un message fort quant à la capacité du Maroc à anticiper et contrer les menaces qui se complexifient avec la globalisation des réseaux terroristes. Il a noté que la présence de cadres marocains au sein des groupes terroristes opérant dans la région du Sahel, tels que Noureddine El Youbi, Ali Maychou ou Mohamed Lemkhentar, accroît le niveau de menace en facilitant la coordination entre éléments étrangers et locaux.
M. Habboub a également évoqué l’ampleur des réseaux de contrebande et de financement qui soutiennent ces opérations, soulignant l’importance de la coopération internationale et régionale pour intercepter ces flux et prévenir toute récidive. La capacité des groupes terroristes à exploiter les faiblesses étatiques dans certaines régions d’Afrique, combinée aux conflits ethniques et tribaux et à l’ampleur des territoires concernés, renforce la nécessité pour le Royaume de maintenir un état d’alerte maximale et de développer des stratégies de prévention adaptées.
LNT
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